DISCUSSION DES FACTEURS DE RISQUES DE LA MALADIE DE CROHN


Une recherche "Med-line" pour l'étude des facteurs de risques des maladies inflammatoires intestinales (Colite ulcéreuse et Maladie de Crohn) couvrant les 5 dernières années (1991-1996) nous révèle 53320 articles où il est difficile d'en arriver à un consensus tellement ces facteurs sont nombreux et souvent contestés. Les mécanismes étio-pathogéniques multifactoriels communs impliqués sont généralement de deux ordres: génétiques et environnementaux.

A) Aspect génétique.

L'absence de "marqueurs génétiques" universellement acceptés empêche de conclure que la prédisposition génétique seule puisse causer la maladie de Crohn. L'influence génétique est toutefois supportée par les observations suivantes:

a) Une notion d'agrégation familiale.

L'incidence familiale est élevée pour l'une et/ou l'autre de ces maladies surtout si celle-ci a débuté à l'enfance ou l'adolescence. Une prépondérance très nette affecte les jumeaux monozygotes par comparaison aux di-zygotes. Le risque de développer une maladie de Crohn est 10 fois plus élevé entre parents du premier degré par comparaison avec la population normale. Cette maladie survient à tout âge mais surtout chez l'adolescent ou le jeune adulte: l'incidence de sexe est comparable.

b) Une incidence ethnique.

La maladie de Crohn est universelle mais plus fréquente avec une distribution Nord-Sud dans les pays du monde occidental. Elle affecte plus souvent les populations de race blanche et les sujets de descendance juive indépendamment de leur lieu de naissance.

c) Une association à d'autres désordres immunoloqiques.

dont la spondylite ankylosante, le psoriasis, l'eczéçma, l'anémie hémolytique autoimmune, la cholangite sclérosante, etc..

B) Aspect "environnement".

D'innombrables facteurs sont rapportés dans la littérature; même ceux que nous avons

retenus pour commentaires font l'objet de contestations continues.

a) Facteurs diététiques.

Les populations du monde occidental ont une plus faible consommation de fruits et de fibres végétales mais une forte ingestion de sucres raffinés et de graisses animales, Ce fait n'explique pas l'incidence géographique des maladies inflammatoires intestinales. Une fois la maladie déclarée, les modifications de la diète ainsi que l'exclusion du lait n'altèrent pas son évolution clinique.

b) Cigarette.

L'incidence de la maladie de Crohn est plus élevée chez les fumeurs. Plusieurs articles contestent le risque de récidives plus fréquentes et plus précoces chez les fumeurs qui ont subi une résection intestinale pour maladie de Crohn.

c) Infections.

Les diarrhées d'origine bactérienne ou virale seraient à l'origine des maladies inflammatoires intestinales non spécifiques. Aucune étude bactériologique incluant celles sur les mycobactéries, n'ont retenue une évidence épidémiologique de cette hypothèse. La relation entre l'infection par le virus de la rougeole "in utero" ou acquise dans l'enfance ou même suite à la vaccination pour cette maladie demeure très conflictuelle. Une recrudescence des recherches en faveur d'une théorie infectieuse est maintenue par suite des publications récentes sur l'incidence de la maladie de Crohn chez les deux conjoints et leurs enfants.

d) Périnatalité.

Il n'y a pas de lien direct entre l'incidence de la maladie de Crohn chez les sujets qui

ont bénéficié d'un allaitement maternel ou qui ont été exposé au virus d'Epstein Barr.

e) Contraceptifs oraux.

L'incidence de la maladie de Crohn est faiblement plus élevée chez les femmes qui ont pris des contraceptifs oraux pendant plus de 6 ans mais la puissance oestrogénique des comprimés ne semble pas avoir d'importance.

f) Autres:

Aucun effet direct sur l'incidence de la maladie de Crohn n'est relié à la prise d'AINS, d'aspirine ou d'acétaminophène ou tout autre agent thérapeutique.

Aucun trouble psychiatrique ou psychologique ne peut être associé à une incidence augmentée de la maladie de Crohn.

Maladie de Crohn et cancer.

L'incidence d'un cancer primaire de l'intestin grêle est augmentée chez les patients souffrant d'une entérite de Crohn: ce risque est 86 fois plus élevé que dans une population normale où l'adénocarcinome et le lymphome représente seulement 1 % de tous les cancers digestifs.

Dans la colite de Crohn, l'apparition d'un cancer du côlon serait un risque comparable à celui de la colite ulcéreuse diffuse; il survient généralement 10 ans plus tôt par comparaison à son incidence dans la population générale et il est plus fréquent chez les sujets dont la maladie a débuté à l'enfance ou à l'adolescence.

CONCLUSIONS.

La maladie de Crohn (et la colite ulcéreuse) est une maladie d'étiologie inconnue vraisemblablement d'origine multifactorielle où une prédisposition génétique en relation avec l'interaction de plusieurs facteurs environnementaux auraient une influence prépondérante sur le déclenchement des manifestations inflammatoires locales et systémiques de cette maladie.

Les principaux facteurs de risque génétiques et environnementaux ont été discutés.

Références.

1) Medline 1991-96. Facteurs de risques: maladies inflammatoires intestinales.

2) Colombel JF. Gower-Rousseau C. "Etiology of Crohn's disease"

Presse Médicale. 23(12) : 558-60, 1994 Mar 26.

3) Cottone M. & coll. "Smoking habits and recurrence in Crohn's disease". Gastroenterology 106(3) ; 643-648, 1994 Mar.

4) Thompson N. P. & coll. "Is measles vaccination a risk factor for inflam. bowel disease". Lancet 345 (comments:8957-8961) ; 1071-745 1995 April 29.

5) Gillen C D. & coll. "Crohn's disease and colorectal cancer". Gut. 35(5) ; 651-5, 1994 May.

6) Wurzelmann J. L. "Childhood infections and the risk of inflam. bowel diseases". Digestive Diseases & Sciences. 39(3) : 555-605 1994 Mar.

André Archambault, M.D., gastroentérologue


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