Unpatient qui prend des anti-inflammatoires non stéroïdiens peut-il prendre de l'aspirine? Y a-t-il certaines précautions ?


L'acide acétyle salicylate ou aspirine (AAS) et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) font partie d'une même classe de médicaments, celle des anti-inflammatoires, antipyrétiques, analgésiques. Le mode d'action est similaire aux deux agents soit l'inhibition de la cyclooxygénase (prostaglandine H synthase) qui se trouve à être la première réaction enzymatique dans la synthèse des prostaglandines convertissant l'acide arachidonique en prostaglandine H2. Subséquemment, la prostaglandine H2 est convertite en thromboxane A2 (TXA2) dans la plaquette et en prostacycline (PGI2) dans la cellule endothéliale. La TXA2 induit une agrégation plaquettaire et une vasoconstriction alors que la PGI2 inhibe l'agrégation plaquettaire et cause une vasodilatation. En ce qui concerne l'AAS, cet effet paradoxal varie en fonction des doses : (1) l'effet antithrombotique sur la TXA2 (prostaglandine plaquettaire) est 10 fois plus sensible (petite dose 80-325 mg) par rapport à (2) l'effet analgésique antipyrétique médié par la synthèse des prostaglandines d'autre cellules requiert des doses plus élevées (> 650 mg) alors que (3) l'effet anti-inflammatoire, anti-rhumatismale requiert jusqu'à des doses > 1,500 mg. Par opposition à l'AAS où l'inhibition sur la cyclooxygénase plaquettaire est irréversible, celle induite par les AINS est réversible, de courte durée, voire même minime par rappoort à son effet anti-inflammatoire. Il n'y aurait donc aucune contreindication à l'association d'une dose préventive antithrombotique d'AAS à un effet antiinflammatoire de l'AINS. Plusieurs études cliniques ont démontré que l'effet préventif antithrombotique de l'AAS était efficace dans la réduction du risque de récidive de maladie coronarienne (infarctus du myocarde, angor stable et instable) et du risque d'infarctus du myocarde chez les sujets asymptomatiques de plus de 50 ans.

Les précautions d'une telle association médicamenteuse reposent sur le syndrome hémorragique secondaire à la dysfonction plaquettaire. Toutefois, l'intensité de ce syndrome hémorragique varie selon que l'hémostase sous-jacente soit normale et la susceptibilité de la muqueuse gastro-duodénale aux effets toxiques de ces agents, soit par inhibition des prostaglandines soit par un effet direct sur la muqueuse gastro-intestinale. Conséquemment, le défaut de l'hémostase sera plus sévère lorsqu'il y a: (a) une thrombopathie sous-jacente (acquise, par exemple, urémie, hépatopathie ou congénitale, par exemple; une maladie de von Willebrand), (b) une thrombocytopénie (c) une coagulopathie (l'addition d'anti-vitamine K hémophilie) (d) l'ingestion d'alcool (e) des lésions de la muqueuse gastro-intestinale susceptible de saigner (histoire antérieure d'ulcération duodénale, gastrite, diverticulite). Des études cliniques suggèrent que les effets secondaires gastriques de 1'AAS et des AINS peuvent être réduits par l'ajout d'antagonistes H2 (cimétidine, ranitidine), le misoprostol ou l'usage des formules d'AAS enrobés.

Références :

1. Roth GJ, Calverley D: Aspirin, Platelets and Thrombosis :Theory and Practice, Blood 83:885, 1 994.

2. Gabriel SE, Jaakkimaimen L, Bombardier C: Risk for serious gastrointestinal complications related to use of nonsteroidal anti-inflammatory drugs, A meta-analysis. Ann Intern Med 115: 787, 1991.

3 . Graham DY, Agrawal NM, Roth SH: Prevention of NSAID-induced gastric ulcer with misoprostol: A multicentre, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2:1277, 1988.

Jeannine Kassis, MD
Hématologiste.


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