CHAPITRE 15: SYSTEME URINAIRE
Les déchets métaboliques produits par les cellules des tissus et organes passent dans la circulation sanguine, de la façon inverse que les substances nutritives leur sont apportées. Une grande partie de ces déchets, et en particulier ceux résultant du métabolisme des protéines, est éliminée au niveau des reins. Ceux-ci filtrent une quantité impressionnante de sang pour le débarasser de ses déchets. Le filtrat final, l'urine, est transporté hors des reins par les uretères et amené dans un réservoir unique, la vessie urinaire, avant d'être excrété hors de l'organisme par un canal lui aussi unique, l'urètre. En filtrant les déchets métaboliques, les reins contrôlent la balance d'eau et d'électrolytes de l'organisme, contribuent au maintien acide-base et à la désintoxication. De plus, ils sécrètent quelques hormones.Voir le schéma du système urinaire.
15.1 REINS
Organe pair encapsulé, en forme de fève, le rein peut être divisé ou non en lobes par des septa conjonctifs: rein multilobé ou unilobé, selon les espèces. Sa face concave, ou hile, est bourrée de tissu adipeux. En coupe, on distingue deux régions principales: le cortex, rouge brun sous la capsule, et la médulla, pâle et d'apparence striée, qui s'étend vers le hile et se poursuit, sous forme de calice, par l'uretère à la sortie de l'organe. L'artère rénale, effluente directe de l'aorte descendante, et la veine correspondante, accompagnées de délicats plexi nerveux, empruntent le hile rénal pour atteindre le tissu à desservir.
15.1.1 TUBULES RÉNAUX ET TUBULES COLLECTEURS (voir schéma)
Le tissu rénal consiste en une série de tubules rénaux connectés à des tubules collecteurs. Ceux-ci sont des embranchements de l'uretère dans le hile et remontent la médulla. A la jonction médullo-corticale chacun d'eux est connecté à plusieurs tubules rénaux, qui eux ont une origine différente. Les tubules rénaux ne s'embranchent pas.
Le tubule rénal décrit maintes circonvolutions. A sa première circonvolutions dans le cortex juste avant de s'abouter à un tubule collecteur, il prend le nom de tubule contourné distal. Celui-ci devient droit, descend dans la médulla, tourne sur lui-même puis remonte; à cause du parcours en épingle à cheveu qu'il décrit, on le nomme anse de Henle. De retour dans le cortex, il décrit à nouveau plusieurs circonvolutions et on l'appelle tubule contourné proximal. Celui-ci se termine en cul-de-sac agrandi, en forme de cupule, dénommé capsule de Bowman. Cette terminologie sera bientôt éclaircie.
15.1.2 VASCULARISATION RÉNALE (voir schéma)
En pénétrant dans le rein, l'artère rénale se ramifie en artères interlobaires (pour un rein multilobé) qui remontent dans la médulla jusqu'à sa jonction avec le cortex. Elles bifurquent à angle droit et de ces bifurcations émergent les artères interlobulaires qui pénètrent dans le cortex. Elles se ramifient en artères intralobulaires puis en artérioles appelées artérioles afférentes. Toujours dans le cortex, chaque artériole afférente donne naissance à un réseau capillaire appelé glomérule parce qu'il a l'apparence d'une petite boule. Les capillaires du glomérule se rassemblent non pas en veinule mais en artériole, l'artériole efférente. Peu après, l'artériole efférente donne naissance à un autre réseau capillaire, plus diffus et sans nom spécial. Les capillaires du second réseau se rassemblent pour former une veinule qui en rejoint d'autres pour former une veine, et ainsi de suite; le circuit veineux parcourt le chemin inverse du circuit artériel.
15.1.3 APPAREIL DE FILTRATION : ORGANISATION
Tubules rénaux et vaisseaux sanguins ne sont pas arrangés au hasard dans le rein. La capsule de Bowman englobe le glomérule et les deux forment ensemble le corpuscule rénal, d'un diamètre de 150 à 250µm. La capsule de Bowman, cupulaire, englobant le glomérule, se referme presque sur lui; l'artériole afférente se trouve donc à "entrer" dedans à côté de l'artériole efférente qui en "ressort". Cette région constitue le pôle vasculaire du corpuscule, diamétralement opposé au pôle urinaire, qui se continue en tubule contourné proximal. La paroi externe de la capsule s'appelle couche pariétale de la capsule de Bowman; l'interne, intimement en contact avec les capillaires du glomérule, constitue la couche viscérale de la capsule de Bowman. Pour maximiser la surface de contact avec les capillaires, la couche viscérale dessine maintes digitations qui s'insinuent entre eux. C'est au niveau du corpuscule rénal que s'effectue la filtration du sang.
Le tubule contourné proximal, au sortir du glomérule d'origine, demeure dans le cortex du rein et entre en association étroite avec le second réseau capillaire, celui qui prend origine de l'artériole efférente. Ce réseau n'est pas ramassé en boule compacte, tel le glomérule, mais est diffus, longeant plus ou moins le tubule contourné proximal.
L'anse de Henle, continuation du tubule contourné proximal, descend dans la médulla puis en remonte, en parallèle avec les vaisseaux sanguins irriguant le rein, pour se poursuivre dans le cortex, à proximité du corpuscule d'origine, sous le nom de tubule contourné distal. Il y a même une petite portion du tubule contourné distal qui s'insinue dans le pôle vasculaire du corpuscule, entre les artérioles afférente et efférente (voir 15.1.4). Distalement, le tubule contourné distal, avec d'autres, se jette dans un tubule collecteur. Les tubules collecteurs traversent la médulla, parallèles aux anses de Henle et vaisseaux sanguins, se réunissent dans le hile de l'organe pour former l'uretère, canal très agrandi à son origine (calice rénal).
Un tubule rénal: tubule contourné distal, anse de Henle, tubule contourné proximal et capsule de Bowman, forme avec le glomérule associé le néphron, unité structurale et fonctionnelle du rein.
15.1.3.1 Filtration: corpuscule rénal
Site de filtration du sang, le corpuscule rénal consiste en la terminaison cupulaire du tubule contourné proximal apposée au glomérule sanguin. La filtration s'effectue donc au niveau de l'endothélium du capillaire et la couche viscérale de la capsule de Bowman. Les cellules endothéliales ne sont pas retenues entre elles par des jonctions d'occlusion et produisent peu ou pas de membrane basale, à toute fin pratique invisible au microscope électronique; de plus elles sont percées de hublots dépourvus de diaphragmes. Ces caractéristiques permettent le passage facile de certaines substances, tel le plasma sanguin, mais le diamètre des hublots et des espaces intercellulaires est suffisamment réduit pour empêcher la traversée des cellules sanguines et des grosses protéines.
Epithélium simple pavimenteux, la couche viscérale de la capsule de Bowman se compose de cellules appelées podocytes. Cet épithélium subit maints replis pour couvrir au maximum la surface des capillaires du glomérule et maximiser la surface de filtration. Non seulement l'épithélium émet-il ces digitations, mais chacun des podocytes élabore nombre de projections cytoplasmiques, genre de villosités ou petits pieds, d'où leur nom. Une surface capillaire qui ne serait pas apposée à un podocyte est isolée d'un autre capillaire par des cellules mésangiales. Les podocytes produisent une mince membrane basale à leur face basale, celle touchant l'endothélium.
La lâche barrière de filtration rénale consiste donc en: cellule endothéliale trouée de pores, membrane basale du podocyte, podocyte. Passé la barrière glomérulo-capsulaire, le filtrat se trouve dans la lumière de la capsule de Bowman (entre ses couches viscérale et pariétale), se poursuivant en lumière du tubule contourné proximal. Dans la capsule, on l'appelle filtrat glomérulaire. Le plasma qui ne traverse pas la barrière poursuit son cours dans l'artériole efférente.
15.1.3.2 Absorption du filtrat: tubule rénal et tubule collecteur
Une quantité impressionnante de sang est filtrée par le corpuscule rénal quotidiennement. Chez l'humain, par exemple, on a évalué qu'à partir des 1700 litres de sang circulant dans les glomérules en 24 heures, de 170 à 200 litres de filtrat glomérulaire sont produits. Pourtant, seulement 1,5 à 2 litres d'urine, le filtrat final, sont excrétés quotidiennement. Ceci signifie qu'une quantité toute aussi impressionnante de filtrat glomérulaire est réabsorbée. La barrière glomérulo-capsulaire, peu étanche, laisse en effet passer une très grande quantité d'eau; or, cette eau et les sels qu'elle entraîne ne constituent pas des déchets à éliminer; ils sont grandement réabsorbés.
La réabsorption est possible grâce à la structure tubulaire du tissu rénal qui offre une très longue surface d'absorption. Chez l'humain, la longueur totale des tubules rénaux (ceci exclut les tubules collecteurs) des deux reins est évaluée à environ 115km.
Une très grande partie de la réabsorption de l'eau et des sels du filtrat glomérulaire s'effectue au niveau du tubule contourné proximal. Elle résulte de la différence de tonicité entre le filtrat glomérulaire, relativement dilué, et le sang, fortement hypertonique, qui circule dans le réseau capillaire associé au tubule contourné proximal. La paroi du tubule est constituée d'un épithélium simple, cuboïdal à cylindrique décoré d'une bordure en brosse, dénotant l'activité d'absorption intense. Les cellules exhibent un cytoplasme rougeâtre, acidophile, leur noyau occupe une position basale et elles produisent une membrane basale. L'eau et les sels réabsorbés se retrouvent donc dans les capillaires du second réseau.
Le filtrat demeurant dans le tubule contourné proximal est maintenant plus concentré et il poursuit sa route dans l'anse de Henle. Celle-ci comprend différentes portions. Immédiatement continue avec le tubule contourné proximal, ayant une paroi identique, la partie descendante de l'anse de Henle descend dans la médulla. Elle s'amincit, c'est la partie mince de l'anse de Henle, qui continue à descendre dans la médulla puis se replie sur elle-même pour remonter. La partie mince peut être considérée comme l'anse de Henle proprement dite; elle consiste en un épithélium simple pavimenteux qui entoure une lumière de faible diamètre, si bien qu'en coupe transversale on peut la méprendre pour un capillaire sanguin. L'action de l'anse de Henle n'est pas tant sur le filtrat qu'elle transporte comme sur le milieu intercellulaire de la médulla. Le filtrat concentré se trouve hypertonique par rapport au milieu intercellulaire. A cause de sa paroi mince, l'anse permet une absorption de l'eau du milieu intercellulaire pour équilibrer les pressions osmotiques. Le filtrat maintenant moins concentré remonte dans l'anse qui s'épaissit, c'est la partie ascendante de l'anse de Henle. Celle-ci se poursuit en tubule contourné distal, identique histologiquement à la partie ascendante.
Tel que mentionné auparavant, le tubule contourné distal retourne près du corpuscule d'origine, dans le cortex. Même s'il se retrouve au même niveau cortical que le tubule contourné proximal, les deux se distinguent aisément. Moins long que le tubule contourné proximal, il apparaît moins souvent sur une coupe du rein. Son épithélium ressemble à celui du tubule contourné proximal, en ce qu'il est simple cuboïdal à cylindrique, et souligné d'une membrane basale, mais ses cellules sont moins acidophiles et n'affichent pas de bordure en brosse. Encore davantage d'eau et de sels du filtrat sont retournés dans le milieu intercellulaire du cortex au niveau du tubule contourné distal et sont ensuite rattrapés par les capillaires sanguins. Ce tubule accomplit une autre fonction, d'importance capitale, qui sera expliquée dans la section suivante.
Le filtrat, qui n'a pas encore atteint la concentration de l'urine, poursuit sa route dans le tubule collecteur, qui redescend dans la médulla. L'épithélium simple cylindrique du tubule collecteur possède les cellules les plus acidophiles donc les plus rougeâtres, quoique aussi les plus pâles, du tissu rénal. Elles ne montrent pas de bordure en brosse. Au niveau du tubule collecteur s'opère une grande réabsorption d'eau et de sels du filtrat, facilitée par l'hypertonicité du milieu médullaire créée par l'action de l'anse de Henle. Le filtrat atteignant l'uretère a la composition de l'urine.
L'activité absorbante des tubules rénaux est sous l'influence de l'ADH (vasopressine): hormone antidiurétique de la neurohypophyse, et l'action inverse sous celui de l'aldostérone, une hormone surrénalienne.
15.1.4 CONTROLE DE LA PRESSION SANGUINE: COMPLEXE JUXTAGLOMÉRULAIRE
Le tubule contourné distal se situe dans le cortex près du corpuscule d'origine. Une portion du tubule s'insinue même entre les artérioles afférente et efférente au pôle vasculaire du corpuscule, et s'appose à l'artériole afférente en cet endroit. A ce site d'apposition des deux structures, les cellules de la paroi tubulaire sont plus petites et leurs noyaux semblent donc être en plus grande densité, d'où le nom de macula densa (tache dense) pour cette portion de la paroi du tubule contourné distal. La paroi artériolaire est aussi modifiée: la lamelle limitante élastique interne (séparant tunica intima de média) manque et les "myocytes" possèdent dans leur cytoplasme, au lieu des filaments d'actine et de myosine, des granules de sécrétion démontrés au PAS. Les myocytes modifiés s'appellent cellules juxtaglomérulaires et, avec la macula densa, forment le complexe juxtaglomérulaire.
Les cellules du complexe juxtaglomérulaire, et plus particulièrement les cellules juxtaglomérulaires, synthétisent l'hormone et enzyme rénine, produite en réponse à une baisse de pression sanguine occasionnée par la filtration d'une grande quantité de plasma sanguin par les corpuscules rénaux. Cette baisse est perçue par les cellules juxtaglomérulaires qui fonctionnnent comme barocepteurs. La rénine rejoint le flot sanguin où elle active la formation d'angiotensine II à partir d'un précurseur plasmatique. L'angiotensine II induit la constriction artériolaire, augmentant ainsi la pression sanguine et diminuant de ce fait la quantité de plasma filtré par le corpuscule rénal. Elle stimule en plus la sécrétion d'aldostérone par la surrénale, résultant en une certaine rétention d'eau et de sels minéraux dans les tubules rénaux.
15.2 URETERE
Les uretères transportent l'urine des reins à la vessie et sont deux excroissances de celle-ci. Sauf à la jonction avec les tubules collecteurs, sa paroi est épaisse, comprenant trois couches:
muqueuse
musculaire
séreuse.
La muqueuse est tapissée d'un épithélium de transition, avec cellules en ballonnets (revoir 2.1.2), qui repose sur une lamina propria de tissu conjonctif relativement dense. Le terme muqueuse est ici mal approprié car ni l'épithélium ni la lamina propria ne contient de cellules muqueuses. Des replis de la muqueuse rappellent les villosités intestinales. La musculaire permet un certain mouvement péristaltique grâce à ses deux couches de muscle lisse: interne de fibres longitudinales et externe de fibres circulaires, à l'encontre du tube digestif. A la jonction avec la vessie, la musculaire se replie en genre de valve qui empêche le retour de l'urine. La paroi des uretères renferme souvent des nodules lymphatiques. Une séreuse recouvre le tout.
15.3 VESSIE URINAIRE
La lumière de la vessie urinaire est considérablement agrandie. La muqueuse de sa paroi comprend un épithélium de transition et une lamina propria plus élastique que collagénique. La musculaire s'enrichit d'une couche. La couche moyenne, circulaire, est la plus épaisse des trois et forme un sphincter à l'entrée de l'urètre.
15.4 URETRE
L'urètre permet à l'urine d'être excrétée de l'organisme. Chez le mâle, l'urètre traverse le pénis et assure aussi une fonction génitale; pas chez la femelle. Sa muqueuse comprend un épithélium stratifié pavimenteux non kératinisé et une lamina propria sous-tendue d'une sous-muqueuse. Celle-ci renferme des glandes muqueuses, ainsi que des fibres élastiques et des plexi veineux organisés de sorte à conférer à l'urètre les qualités d'un tissu érectile (voir 16.6). La musculaire, bien développée, comprend une portion de fibres striées squelettiques.