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CHAPITRE 9: PEAU

A la surprise de plusieurs, la peau constitue le plus gros organe du corps. Elle dessert plusieurs fonctions importantes, souvent inestimées. Elle agit comme barrière contre les microbes. Sa nature imperméable empêche le dessèchement de l'organisme, permettant à plusieurs animaux de vivre dans des conditions relativement sèches; elle empêche aussi l'eau externe de pénétrer dans le corps. Certains produits chimiques déjouent néanmoins la barrière et réussissent à s'infiltrer dans les capillaires et lymphatiques profonds. La peau protège contre les rayons ultraviolets du soleil. Elle joue un rôle important dans la thermorégulation. Elle sécrète plusieurs substances; elle produit la vitamine D. Par son innervation variée, la peau intervient dans la perception de diverses sensations. Ainsi, la peau est un organe important dans l'interaction de l'organisme avec son environnement.

La peau comprend deux couches fermement rattachées l'une à l'autre, d'origine embryonnaire différente: l'épiderme dérive de l'ectoderme, le derme dérive du mésoderme.

9.1 EPIDERME

Epithélium stratifié pavimenteux kératinisé, l'épiderme ne renferme pas de vaisseaux sanguins; il est nourri par diffusion à partir du derme sous-jacent, qui est vascularisé. L'épaisseur de l'épiderme varie selon le type de peau et l'endroit du corps. Selon son épaisseur, on distingue deux types principaux de peau: épaisse et mince. Ces épithètes s'avèrent toutefois inadéquats car une peau à épiderme mince peut être épaisse grâce à son derme et vice versa. La peau dite épaisse (à épiderme épais) correspond à la peau glabre, tandis que la peau mince (à épiderme mince) correspond à la peau poilue. Cette classification surpasse la première. Voir les schémas sur les peaux glabre et poilue.

9.1.1 KERATINISATION

Les cellules les plus basales de l'épithélium conservent la propriété de se diviser indéfiniment. Ce faisant, elles repoussent les cellules sus-jacentes vers la surface et y ajoutent celles de leurs cellules-filles qui deviennent post-mitotiques. Ces cellules post-mitotiques sont en synthèse protéique active. Les cellules des couches superficielles deviennent de plus en plus éloignées de leur source nutritive dans le derme. Quand l'O2 et les substances nutritives n'arrivent plus à les atteindre par diffusion, elles se transforment en matériel inerte, la kératine. Ainsi, la kératine résulte à la fois de synthèses de produits et de la transformation de cellules entières en matériel inerte. Ce processus s'appelle kératinisation. Les couches de kératine les plus superficielles se dessèchent et se desquament. Elles sont remplacées par de la nouvelle kératine. Ainsi, le mécanisme de kératinisation est constamment en branle. Il doit y avoir autant de production cellulaire à la base épidermique qu'il y a desquamation de kératine à la surface.

Comme les cellules épidermiques au cours des étapes de kératinisation adoptent des apparences variées, l'épiderme semble subdivisé en couches, ou strates. Néanmoins, toutes les cellules portent le nom de kératinocytes (mais voir 9.1.3).

 

9.1.2 STRATES EPIDERMIQUES (voir schéma)

Stratum germinativum ou basalis:

Couche la plus profonde, d'une seule assise, la couche germinale, comme son nom l'indique, pourvoit au renouvellement cellulaire des couches superficielles. Elle produit une membrane basale épaisse qui ancre l'épiderme au derme. Les cellules basales sont de forme irrégulière, assez souvent cylindriques. On n'en voit parfois que les noyaux.

Stratum spinosum:

Superficielle à la précédente, la strate épineuse comprend un nombre de couches variable selon le type de peau et les régions. Les kératinocytes de forme polyhédrale, reliés entre eux par de nombreuses jonctions desmosomes, renferment de nombreux tonofilaments associés aux desmosomes. A cause d'un artéfact de préparation, ceux-ci apparaissent au microscope photonique sous forme de tonofibrilles entre les cellules, qui donnent l'aspect épineux aux kératinocytes de cette strate.

Stratum granulosum:

De deux à quatre couches d'épaisseur, la strate granulaire comprend des kératinocytes en forme de losange, orientés parallèle à la surface. Leur cytoplasme renferme de nombreux granules basophiles, les granules kératohyalins, produits de synthèse accumulés, colorés à l'hématoxyline. Les kératinocytes de cette strate sont en voie de transformation.

Stratum lucidum:

Mince, parfois absente, ne comprenant plus de kératinocytes identifiables comme tels, la strate translucide constitue une étape intermédiaire entre l'état cellulaire et la kératine.

Stratum corneum:

Couche de kératine véritable, résistante aux changements chimiques, la strate cornée est responsable de plusieurs des fonctions de la peau mentionnées plus tôt. Sa portion superficielle se desquame.

 

9.1.3 PIGMENTATION DE LA PEAU

La pigmentation de la peau s'attribue à un pigment qui varie de jaune à noir, la mélanine, produit par des cellules appelées mélanocytes. Leurs précurseurs, les mélanoblastes, ont migré à partir de la crête neurale embryonnaire et se sont immiscés entre les kératinocytes de la strate basale. Les mélanocytes, comme les neurones, sont des cellules terminales: ils ne se divisent plus. Ils possèdent de longs bras cytoplasmiques insérés entre les kératinocytes de toutes les couches. Les granules de mélanine sont transportés par le flot cytoplasmique dans les bras. Des granules peuvent même être exocytosés dans l'espace intercellulaire puis endocytosés par les kératinocytes. Il peut donc s'avérer impossible de distinguer kératinocytes de mélanocytes dans certaines peaux.

La mélanine est plus abondante et concentrée dans les peaux foncées et elle augmente dans la peau exposée aux U.V. Chez l'humain de race blanche, il semble que les kératinocytes dégradent la mélanine qu'ils ont captée; il appert que cela ne se produit pas chez la race noire. L'albinisme, une condition génétique qui résulte en incapacité de produire la mélanine, peut se manifester chez toutes les races et chez différentes espèces animales. La production de mélanine par les mélanocytes est stimulée par une hormone hypophysaire, la MSH (melanocyte stimulating hormone - voir 18.1.1.3), et inhibée par une hormone épiphysaire, la mélatonine (voir 18.2).

9.2 DERME

Comme pour l'épiderme, l'épaisseur du derme varie beaucoup d'une région cutanée à l'autre. Il comprend deux couches intimement rattachées:

9.2.1 COUCHE PAPILLAIRE

Couche dermique la plus mince, la couche papillaire comprend du tissu conjonctif collagénique et élastique plus ou moins lâche et régulier (revoir 3.1.1.2 et 3.3) qui sous-tend l'épiderme et s'insinue dans lui en dessinant des sillons réguliers, les papilles dermiques. Celles-ci sont particulièrement bien développées dans la peau glabre, où elles imposent du relief à l'épiderme, notamment au bout des doigts (empreintes digitales). Les corpuscules tactiles de Meissner se retrouvent dans les papilles dermiques (revoir 8.5.2.2). La couche papillaire est abondamment pourvue en capillaires et veinules, notamment les anastomoses artéro-veineuses impliquées dans la thermorégulation (voir 10.3.4.), et renferme des cellules adipeuses et d'autres éléments cellulaires du tissu conjonctif.

9.2.2 COUCHE RETICULAIRE

Du tissu conjonctif plus dense de fibres collagéniques et élastiques formant un genre de réseau constitue l'élément principal de la couche réticulaire. Les autres éléments du tissu conjonctif s'y retrouvent, mais en moindre abondance, ainsi que quelques fibres musculaires lisses.

9.3 GLANDES CUTANEES

Pour que la peau puisse effectivement accomplir sa fonction de barrière protectrice des tissus internes, elle se doit d'être épaisse, et même kératinisée. Cette condition sine qua non implique toutefois l'absence de cellules sécrétrices dans son épithélium, cellules pourtant nécessaires pour empêcher le dessèchement de la peau. C'est pourquoi des glandes profondes dotées de canaux excréteurs se sont formées en cours de développement embryonnaire. Des cellules épidermiques ont proliféré à l'intérieur du derme et même du tissu conjonctif sous-cutané. Les glandes cutanées présentent énormément de variation interspécifique quant à leur morphologie, leur sécrétion et, par conséquent, leur rôle. Deux grands groupes seront décrits.

 

9.3.1 GLANDES SUDORIPARES

Glandes simples, tubulaires, à sécrétion chimiquement complexe, de nature plutôt séreuse, les glandes sudoripares enfouissent leurs unités de sécrétion dans le tissu conjonctif dermique et, surtout, sous-cutané. Leurs canaux excréteurs transportent le produit de sécrétion à la surface de l'épiderme, après avoir suivi un parcours très tortueux; ils aboutissent à la base des papilles puis traversent l'épithélium. L'unité de sécrétion de la glande sudoripare se compose de cellules cuboïdales ou cylindriques, à cytoplasme pâle contenant du glycogène; certaines cellules renferment des granules foncés. Elle est entourée de cellules myoépithéliales (revoir 2.2.4 et 7.4). Sa lumière est grande, comparativement à celle de plusieurs autres glandes. Le canal excréteur de la glande sudoripare est bâti d'une ou deux couches de cellules plus petites et plus foncées que les cellules sécrétrices. Sa lumière est de moindre diamètre que celle de l'unité sécrétrice, contrairement à presque toutes les autres glandes. Le canal excréteur d'un certain type de glande sudoripare s'ouvre dans le follicule pileux, au-dessus des glandes sébacées. Les sécrétions des glandes sudoripares possèdent des odeurs distinctives, importantes dans le comportement animal.

 

9.3.2 GLANDES SEBACEES

Les glandes sébacées croissent à partir de proliférations des follicules pileux, dans le derme. Leurs modes de croissance et de sécrétion diffèrent de ceux des autres glandes. Au lieu de croître autour d'un canal, les cellules des glandes sébacées croissent en masse à l'intérieur du tissu conjonctif et sont dépourvues de canal excréteur. On les décrit comme des glandes composées, partitionnées par du tissu conjonctif en lobes et lobules. Cela n'en fait pas pour autant des glandes endocrines. Au contraire, la glande sébacée a adopté un mode de sécrétion dit holocrine (grec: holos=tout): toute la cellule est expulsée comme produit de sécrétion: le sébum. Les cellules germinales à la base de la glande repoussent vers l'extérieur, dans le follicule pileux, les cellules-filles qui, elles, synthétisent un produit huileux. Le sébum lubrifie le poil et la surface de la peau. L'activité sécrétrice des glandes sébacées est sous contrôle hormonal. Notons que plusieurs glandes sébacées peuvent se déverser dans un même follicule pileux. Elles sont absentes de la peau glabre.

9.4 FOLLICULE PILEUX

Se développant dans le derme et le tissu conjonctif sous-cutané à partir d'invaginations épidermiques, les follicules pileux sont à l'origine des poils. La partie la plus profonde du follicule consiste en un amas cellulaire appelé matrice germinale; elle recouvre une papille de tissu conjonctif qui renferme les vaisseaux sanguins irriguant le follicule. La matrice germinale est à l'origine même du poil: en proliférant, ses cellules repoussent les cellules superficielles vers l'extérieur, soit dans la dépression de l'ectoderme produite par l'invagination mentionnée. Ces cellules se kératinisent et forment le poil. Celui-ci pousse grâce à l'addition, à sa base, de cellules qui, elles aussi, vont se kératiniser. La portion du follicule reliant l'épiderme de surface à la matrice germinale constitue une zone de transition, c'est la gaine de la racine externe.

9.5 AUTRES APPENDICES

Ayant toujours l'épiderme comme origine mais surtout composés de kératine, d'autres téguments spécialisés se forment par replis plus ou moins prononcés: ongles, griffes, sabots, cornes, écales, plumes, etc. Nous ne les verrons pas en détail dans ce cours.

 

9.6 TISSU CONJONCTIF SOUS-CUTANE ("Hypoderme")

La peau (épiderme et derme) repose sur du tissu conjonctif qui peut être lâche et contenir du tissu adipeux, ou assez dense, selon les endroits du corps. Ce tissu conjonctif correspond au fascia superficiel en anatomie. On l'appelle parfois hypoderme, mais il ne fait pas partie intégrante de la peau. Des faisceaux irréguliers de fibres collagéniques s'étendent du derme au tissu sous-cutané de façon à ancrer la peau à son substrat. Le tissu conjonctif sous-cutané offre à la peau une grande latitude de mouvement. Dans l'hypoderme se retrouvent des structures cutanées qui l'ont envahi, comme les unités sécrétrices des glandes sudoripares. Les corpuscules de Vater-Pacini, récepteurs de la pression tactile, se situent profondément dans l'hypoderme mais leur fonction est intimement reliée à la peau (perception du toucher).