L’Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal | |
Claude Viau, Institut de recherche en santé publique de l'Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (QC) Canada, H3C 3J7, Publié dans Travail et santé 27(1) : 38-39, 2011 |
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Le patient, c’est la collectivité
Le domaine de la santé publique est le fer de lance de la médecine préventive.
Il a connu un formidable essor dans notre système de santé. Qu’on ne considère
ici que la campagne de vaccination contre le virus A (H1N1) en 2009, que des
blagueurs désignaient du nom du virus du code postal! De nombreuses critiques
ont été émises sur cette vaccination de masse. Et on n’a pas fini de comparer
les conséquences de cette pandémie entre les divers pays où la vaccination a été
réalisée avec des taux de succès très variables. Toutefois, entre la pandémie de
grippe espagnole qui a fait des dizaines de millions de morts en 1918 [1] et qui
n’a pu être prévenue faute de moyens adéquats et celle du A (H1N1) de 2009,
l’évolution des approches de santé publique a été spectaculaire.
En santé publique, le patient, c’est une collectivité. Quand John Snow a retracé
l’origine du choléra qui a sévi à Londres en 1854, il se préoccupait moins de
Monsieur et Madame Smith que de l’ensemble de la communauté londonienne qui
était aux prises avec ce fléau. L’étude de la population, et non celle d’un
patient en particulier, lui a permis d’identifier la fameuse pompe à eau de
Broad Street comme étant la source de transmission du Vibrio cholerae, ce
terrifiant bacille. Ce fut un des évènements fondateurs de l’épidémiologie.
Les disciplines de la santé publique
L’épidémiologie est donc une des disciplines maîtresses de la santé publique,
laquelle toutefois en embrasse de nombreuses autres. Une des façons de voir la
santé publique, c’est de considérer les déterminants de la santé d’une
population et de comprendre comment on peut agir sur ceux-ci pour améliorer la
santé de la collectivité. On saisit alors aisément que l’organisation des soins
de santé et la gestion des établissements hospitaliers font partie de la santé
publique [2]. De même l’examen des inégalités sociales qui font en sorte que
certaines couches de la population souffrent collectivement davantage de
problèmes de santé que d’autres fait aussi partie du champ d’étude [3]. La
compréhension des comportements des gens face à diverses situations comme la
chaleur accablante guide également des actions de prévention et de promotion de
la santé des populations [4]. L’étude des facteurs affectant la santé des
populations peut aussi se faire dans des pays en développement. Le contexte
culturel, géographique, politique …etc. tout à fait différent de celui de
l’Amérique du Nord appellera des approches de santé publique adaptées [5]. On
parlera alors de santé mondiale. Pour revenir au choléra, qui a débuté ses
effets ravageurs en Haïti à la fin de 2010, on imagine sans peine que les
approches de santé publique visant à en maîtriser la propagation et à
l’éradiquer doit tenir compte du contexte sociopolitique et environnemental.
Des chercheurs collègues de la Faculté de médecine vétérinaire ont récemment
publié un article sur les caractéristiques moléculaires de la bactérie E. coli
O157:H7 [6], responsable de la fameuse « maladie du hamburger ». On peut a
priori avoir du mal à concevoir cette étude comme faisant partie du champ de la
santé publique. Toutefois lorsqu’on réalise que ces connaissances pourraient
contribuer à une meilleure maîtrise de cette toxi-infection alimentaire qui peut
s’avérer mortelle, on saisit mieux comment la traduction des connaissances
scientifiques de base en action de prévention occupe une place importante en
santé publique. Il en va de même de mon domaine de prédilection, la toxicologie.
L’interprétation des résultats de la recherche sur les substances toxiques pour
établir des valeurs limites d’exposition, que ce soit en milieu de travail ou
dans l’environnement général, représente une précieuse contribution à la santé
publique [7].
De la nécessaire interdisciplinarité
On peut donc isoler diverses composantes de l’étude des déterminants de la santé
publique. Cela nous permet de réaliser que de la molécule à l’organisation d’un
système de soins de santé, de nombreux intervenants participent à l’amélioration
de l’état de santé de la population. L’ambition de l’Institut de recherche en
santé publique de l’Université de Montréal, c’est précisément de faire
travailler le plus possible en synergie des chercheurs dont les apports
individuels au bien-être collectif se trouvent amplifiés par le travail
interdisciplinaire sur les divers facteurs qui ont un impact sur la santé
publique.
Bibliographie
1. Medina, R. A., Manicassamy, B., Stertz, S., Seibert, C. W., Hai, R., Belshe,
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5. Haddad, S., Bicaba, A., Feletto, M., Taminy, E., Kabore, M., Ouedraogo, B.,
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6. Bertin, Y., Girardeau, J. P., Chaucheyras-Durand, F., Lyan, B., Pujos-Guillot,
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10.1111/j.1462-2920.2010.02334.x
7. Viau, C. (2008). Interprétation des résultats de surveillance biologique.
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