Rouge, pair et passe?

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Claude Viau, Département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (QC) Canada, H3C 3J7, Publié dans Travail et santé 16 : S6, 2000

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Le monde de la recherche a inventé de longue date un mode d’évaluation des projets proposés aux organismes subventionnaires qui vise à garantir le plus possible la qualité scientifique. Au cœur de ce processus se trouvent les comités de pairs. Ainsi, à partir de règles du jeu normalement clairement définies, les chercheurs déposent des projets qui sont d’abord vérifiés sur le plan de leur présentation technique avant d’être confiés à ces comités de pairs. Ces derniers sont composés de scientifiques qui œuvrent dans des domaines semblables ou connexes au domaine qui fait l’objet d’une demande de financement. On imagine facilement les possibles dérapages d’un tel système s’il n’était doté des balises nécessaires. En effet, les membres de ces comités peuvent soit provenir de la même institution ou d’une institution concurrente. À cet égard, il est prévu qu’un membre d’un comité de pair se retire des délibérations du comité lorsqu’on traite d’une demande émanant d’un chercheur de sa propre institution. Quant aux concurrents, il est parfois possible pour le chercheur d’indiquer sur sa demande de subvention les noms des personnes qu’il ne souhaite pas voir évaluer son projet lorsqu’il sait être en conflit « scientifique » avec ces personnes. Autrement, il faut se fier au sens déontologique du chercheur-évaluateur. Par ailleurs, dû aux pressions de plus en plus fortes incitant les chercheurs à travailler en réseaux, il devient souvent difficile, voire impossible, dans certains domaines de trouver des réviseurs qui connaissent bien le sujet d’une demande de subvention et qui n’ont jamais travaillé en collaboration avec le demandeur! Enfin, plusieurs programmes de subvention ont un caractère de plus en plus pluridisciplinaire et s’ouvrent sur des horizons de plus en plus étendus. Le choix par l’organisme subventionnaire de la composition de ces comités devient alors un élément critique. Il s’agit en effet de s’assurer que les décisions concernant les projets retenus pour financement ne comportent pas un biais de sélection correspondant aux affinités des membres des comités de pairs pour leur domaine spécifique. Bref, chercheurs et organismes subventionnaires doivent réaliser que dans un monde de la recherche en mutation, il peut s’avérer nécessaire d’adapter le fonctionnement de l’évaluation par les pairs de façon à éviter tout préjudice à des membres de la communauté des chercheurs tout en continuant de promouvoir l’excellence. Mais le recours aux comités de pairs demeure malgré tout la meilleure assurance que les projets ne sont pas sélectionnés au hasard.