Docteur, j’ai 243 produits chimiques dans mon sang, que dois-je faire? |
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Claude Viau, Département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (QC) Canada, H3C 3J7, Publié dans Travail et santé 21: S9, 2005 |
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Depuis quelques années, le réputé Center for Disease Control à Atlanta mesure régulièrement la concentration de plusieurs substances chimiques dans l’organisme des Américains. Avec l’évolution des capacités techniques d’analyse, le Centre en est maintenant arrivé à mesurer quelque 300 substances dans le sang et l’urine des volontaires recrutés dans le cadre du Programme national de surveillance biologique (« National Biomonitoring Programme » (voir http://www.cdc.gov/biomonitoring/default.htm). En mars 2005, le journal « Ottawa Citizen » a publié une série d’articles sur les produits cosmétiques et sur notre exposition à des substances chimiques provenant de notre environnement en général (http://www.canada.com/ottawa/ottawacitizen/index.html). Ces éléments m’ont rappelé qu’en 1976, alors jeune étudiant de maîtrise en chimie analytique, j’avais assisté à une présentation au cours de laquelle le conférencier, dont j’ai malheureusement oublié le nom, philosophait sur l’évolution de la technologie. Pour lui, nous passions progressivement d’un monde où nos possibilités de faire des découvertes étaient limitées par la technologie à un monde où l’évolution de la technologie nous amenait à nous demander ce que nous pourrions faire de ces nouvelles connaissances. En d’autres mots, ce n’est plus tant la technologie qui nous limite que notre capacité à interpréter les résultats qu’elle produit. Avec des méthodes d’analyse non limitées par la sensibilité ou la capacité de détection, ce sont des dizaines de milliers de substances étrangères qu’on pourrait tout probablement mesurer dans notre organisme aujourd’hui. La question clé est évidemment : que veulent dire ces mesures? Le fait qu’une substance soit mesurée dans un organisme signifie-t-il qu’il y ait une menace à notre intégrité physique? Bien sûr que non, répond hardiment le toxicologue. Le père de la toxicologie, Paracelse, nous a appris que « c’est la dose qui fait le poison ». Comment donc interpréter les résultats de ces mesures? Dans certains cas, comme celui des mesures du plomb sanguin, nos connaissances actuelles nous permettent de tirer des conclusions. Dans d’autres cas toutefois, comme celui de la mesure des éthers de biphényles polybromés, un produit ignifuge, nous devons nous borner à constater que leur concentration augmente dans l’organisme des Nord-américains sans savoir encore s’il y a là une menace pour la santé. C’est en partie pour tenter de jeter des bases scientifiques rigoureuses pour l’interprétation de tels résultats que les National Academies (États-Unis) ont récemment formé un comité pour se pencher sur cette question. Le comité portant le nom de « Human Biomonitoring for Environmental Toxicants » (voir http://nationalacademies.org/) produira un rapport qui devrait éclairer l’interprétation des données de surveillance biologique dans la population. Ce rapport devrait aider le médecin à répondre à l’inquiétude de son patient au sujet des 243 substances présentes dans son organisme.