Les MADO et le bipôle santé environnementale – santé du travail | |
Claude Viau, Département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (QC) Canada, H3C 3J7, Publié dans Travail et santé 20 : S7, 2004 |
Accueil |
Les MADO, ce sont les maladies à déclaration obligatoire qui incluent aussi des infections et des intoxications. Bien qu’elle puisse soulever des questionnements éthiques relatifs à la confidentialité de l’information, la déclaration obligatoire de certaines maladies constitue un système de prévention qui vise à protéger la population de menaces à sa santé. En tant que toxicologue, l’auteur de ces lignes ne peut que se réjouir de la sagesse du législateur qui considère avec attention la menace possible due aux intoxications chimiques. Cependant, il semble y avoir une incongruité dans l’application de cette loi. En effet, un groupe de chercheurs dont l’auteur fait partie a récemment amorcé une recherche sur l’effet du styrène chez des travailleurs. Un des paramètres mesurés aux fins de ce projet est l’acide mandélique urinaire, un métabolite du styrène. Ce métabolite permet d’estimer l’imprégnation de l’organisme avec la substance mère, le styrène. Puisque ce dernier appartient au groupe des hydrocarbures aromatiques, la mesure de son métabolite est sur la liste des intoxications à déclaration obligatoire lorsque cette mesure dépasse « les seuils reconnus en santé publique ». Mais l’acide mandélique n’est pas excrété sans exposition au styrène, donc il n’est pas décelé dans la population générale. Dès lors, tout travailleur le moindrement exposé dans le cadre de son travail normal, même à des concentrations bien en deçà des normes aura une valeur « déclarable » du métabolite dans son urine, c’est la loi. L’article 80 de la loi québécoise sur la santé publique indique pourtant que « Ne peuvent être inscrites à cette liste que des intoxications […] médicalement reconnues comme pouvant constituer une menace à la santé d’une population et nécessitant une vigilance des autorités de santé publique ou la tenue d’une enquête épidémiologique ». S’il est vrai que l’exposition au styrène dans la population générale est anormale et qu’elle peut potentiellement poser un problème de santé publique, est-ce que l’exposition spécifique d’une personne dans son milieu de travail à des concentrations qui respectent les normes admises en santé du travail doit être considérée comme une « menace à la santé d’une population » ? Ne faut-il pas prendre en compte ici à la fois la relation dose-réponse et le fait que l’exposition a lieu dans un milieu de travail et que la pratique veut que l’on applique des critères différents lorsqu’il s’agit de la population générale par rapport à une population de travailleurs et de travailleuses ? Le plus incongru est que si les chercheurs ne mesuraient que le styrène lui-même dans l’air, aucune valeur ne serait « à déclaration obligatoire », même si sa concentration approchait des valeurs d’exposition admissibles. Mais dès qu’il s’agit d’un échantillon biologique, le moindre picaillon pourrait devenir un problème. Curieux tout de même. Les MADO représentent une importante approche de prévention, mais il convient peut-être d’en examiner l’application dans certains cas.