Un processus en voie d’amélioration |
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Claude Viau, Département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (QC) Canada, H3C 3J7, Publié dans Travail et santé 26 (3) : 22, 2010 |
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Un processus en voie d’amélioration
Dans la parution de mars dernier de Travail et santé, l’auteur de ces lignes constatait la réduction progressive des valeurs limites d’exposition à de nombreux polluants chimiques des milieux de travail. Certains auront peut-être remarqué en parallèle l’ouverture toute récente de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la consultation publique concernant une révision de l’Annexe I du Règlement sur la santé et la sécurité du travail[1]. Pour prendre la mesure de l’intérêt de cette initiative, revenons un peu en arrière. La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) a été adoptée en 1979. Elle prévoyait la création de la CSST qui vit effectivement le jour dès l’année suivante. Concomitamment à l’adoption de la LSST, le Règlement sur la qualité du milieu de travail fut également adopté. Celui-ci comportait des valeurs limites d’exposition à des agents chimiques et s’inscrivait dans la suite d’autres initiatives antérieures semblables. Dans cette première version sous le chapeau de la LSST, la liste des valeurs limites proposées par l’ACGIH fut adoptée en bloc et la CSST se vit confier la responsabilité de l’administration de ce règlement. Malgré les inconvénients potentiels de cette approche – dont le fait que les valeurs limites de l’ACGIH ne tiennent pas compte de la faisabilité technique ou économique de ses propositions de TLV® - il s’agissait d’une décision sage qui permettait de baliser rapidement l’exposition aux substances toxiques de l’environnement de travail.
Quelques années plus tard, la CSST décida de procéder à une première révision de ce règlement. Des toxicologues du Département de médecine du travail et d’hygiène du milieu, aujourd’hui nommé Département de santé environnementale et santé au travail, de l’Université de Montréal offrirent alors de participer aux aspects scientifiques du processus. Cette offre tomba toutefois à plat. Deux membres de ce département s’en étonnèrent publiquement dans les pages de Travail et santé[2]. Peu de temps après, à l’occasion du Congrès de l’Association pour l’hygiène industrielle au Québec, ancêtre de l’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail, un représentant patronal du conseil d’administration de la CSST prit ces deux scientifiques à partie en déclarant que l’établissement des normes, c’était une affaire de négociations entre patrons et syndicats et que les scientifiques n’avaient pas d’affaire là-dedans! Tout en reconnaissant que des considérations socio-économiques ont absolument leur place dans ces processus réglementaires, on s’étonna d’entendre que la science n’avait pas de contribution à apporter dans la protection de la santé au travail. L’ouverture à une consultation publique, au-delà du paritarisme patrons-syndicats, à laquelle les scientifiques peuvent apporter leur contribution comme d’autres citoyens est donc un heureux premier pas vers un processus qui nous semble plus sain. Restera à attendre que des documents scientifiques appuyant les valeurs révisées proposées soient rendus publics comme cela se fait notamment aux États-Unis et dans l’Union européenne. En attendant, réjouissons-nous de cette initiative.
Claude Viau
[1] http://www.csst.qc.ca/lois_reglements_normes_politiques/consultation_publique/revision_annexe_1_RSST.htm, consulté le 9 juillet 2010
[2] Richards, R. Révision de l'Annexe A du Règlement sur la qualité du milieu de travail, Travail et santé, mars 1994.