Science et prise de décision

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Claude Viau, Département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-Ville, Montréal (QC) Canada, H3C 3J7, Publié dans Travail et santé 25(3) : 26, 2009

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Dur, dur par moments de valoriser les connaissances scientifiques et le rôle des experts dans les prises de décision éclairées en santé publique. Il y a des indications à l’effet que dans certains domaines du moins, l’idéologie supplante la science comme assise décisionnelle. Que reste-t-il à la science et aux scientifiques lorsque sont ainsi ébranlés les fondements scientifiques raisonnés de la prise de décision? Au moins, dénoncer l’inacceptable et tenter de convaincre un maximum de personnes que la société se pénalise en laissant ainsi des décideurs nous ramener à une nouvelle Grande Noirceur comme l’écrivait le journaliste Fabien Deglise dans Le Devoir du 9 septembre 2008 à propos de divers dossiers environnementaux dont les changements climatiques.

 

Par ailleurs, plusieurs éditoriaux parus dans diverses revues scientifiques comme le Journal de l’association médicale canadienne[1], le Annals of Occupational Hygiene[2] ou l’International Journal of Drug Policy[3] ont fustigé les autorités canadiennes pour leur façon de rejeter cavalièrement les preuves scientifiques et d’ignorer les conseils avisés d’experts pour verser dans l’arbitraire le plus absurde dans leurs prises de position et décisions. Il s’agissait aussi parfois de tentatives de camouflage éhontées d’informations scientifiques obtenues aux frais des contribuables qui ont mis à mal la crédibilité des autorités et le désir des scientifiques de contribuer au processus de prise de décision. Ces dossiers concernaient l’amiante et les sites supervisés d’injection de drogues.

 

Certes, les scientifiques ne sont généralement guère formés à la vulgarisation rigoureuse – ces deux termes ne s’opposent pas, loin de là – d’informations scientifiques aptes à éclairer une saine prise de décision. Des initiatives doivent être prises dans les milieux académiques notamment pour pallier ces lacunes. Les scientifiques doivent également accepter que la prise de décision en santé publique ne puisse pas reposer uniquement sur les données scientifiques probantes. Des considérations d’autres ordres, social et économique notamment, font aussi intrinsèquement partie de la prise de décision. Toutefois, il demeurera toujours inacceptable que les décisions ne se prennent que sur des bases idéologiques qui occultent ou font fi des données scientifiques probantes. Que l’on soit un décideur politique ou un scientifique impliqué dans une prise de décision en matière de santé publique, nos concitoyens méritent que l’on adopte un processus empreint de rigueur, d’ouverture et de transparence[4].

 

Claude Viau


 

[1] Attaran, A., Boyd, D. R. et Stanbrook, M. B. (2008). La mortalité liée à l’amiante : une exportation canadienne. Journal de l’association médicale canadienne 179: 873-874

[2] Ogden, T. (2008). Canada, Chrysotile, and the Search for Truth. Annals of Occupational Hygiene 52 : 673-674

[3] Wodak, A. (2008). Going soft on evidence and due process: Canada adopts US style harm maximization. International Journal of Drug Policy 19, 226-228.

[4] Suter, G. W., 2nd, et Cormier, S. M. (2008). A theory of practice for environmental assessment. Integrated Environmental Assessment and Management 4 : 478-485.