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Dans une deuxième étape, nous opérons une transposition didactique entre ces connaissances scientifiques ou d’expertises et des connaissances plus faciles à appréhender par l’élève. Cette R&D inclut une composante d’innovation technologique afin de réaliser un environnement d’apprentissage performant et attrayant (Leroux, 1999). Ce dernier sera décrit par un modèle d’action et matérialisé par un prototype physique. Il sera évalué, dans l’interaction entre l’apprenant et ce prototype, par une recherche en ingénierie didactique qui nous permettra de valider ce modèle d’action et améliorer l’apprentissage de l’élève en ajustant et/ou en modifiant ce prototype pour le rendre plus performant afin d’en faciliter son appropriation à la fois par l’enseignant et par l’apprenant.

La recherche action, dans les TI en éducation, contribue principalement à l’implantation de ces nouvelles technologies à l’école. La formation des professeurs se réalisant souvent grâce à des groupes supports formés de professeurs d’une même discipline avec un formateur. Ils procèdent alors via une dynamique d’appropriation de ces technologies en rapport avec leurs utilisations pratiques et spécifiques à chaque discipline. Cette activité où formateur et professeurs contribuent à la démarche et où la finalité principale n’est associée ni à la connaissance ni au développement de l’environnement d’apprentissage mais à son appropriation est proche de la recherche action. Même si nous utilisons ces différents types de recherche dans notre laboratoire, nous devons reconnaître que notre activité principale de recherche est centrée sur la R&D technologique en éducation (Nonnon 1993).

La finalité et l’intérêt combiné de ces différents types de recherches ne sont pas dans un premier temps d’obtenir des connaissances formelles sur les mécanismes d’apprentissages, ni d’étudier de manière systématique la relation entre l’enseignant et l’apprenant, mais de créer un environnement d’apprentissage riche et performant qui permette à l’apprenant, professeur ou étudiant, de s’investir facilement et de manière productive en science expérimentale ou en technologie. Un environnement adidactique au sens de Brousseau (1998) qui permet à l’apprenant de développer ses savoir faire, ses savoirs être et d’acquérir des savoirs, un environnement permettant de faire émerger la compétence, un environnement centré plus sur l’apprentissage que sur l’enseignement. C’est par cette approche de R&D technologique que nous avons conçu et développé nos environnements d’apprentissage en ExAO (Nonnon 1986). Nous avons validé cette approche par une démarche expérimentale et explicité ses résultats par la métaphore de la lunette cognitive. Son implantation se réalisant dans des activités de formation proches de la recherche action.

II L’ExAO Historique, contexte

L’ExAO est un environnement d’apprentissage qui utilise l’ordinateur en modes conversationnel, graphique et contrôle de procédés. Elle permet à l’étudiant à la foi de paramétrer et contrôler une expérience réelle, d’acquérir les données et de visualiser celles-ci sous formes symboliques. Ces données sont présentes en temps réel sur des instruments virtuels, vumètres, graphiques Y= f(t) et Y= f(x) ou tableau. De plus, un modéliseur permet de trouver la fonction mathématique décrivant le phénomène par l’ajustement des paramètres d’une courbe théorique qu’on superpose sur la courbe expérimentale. Ce système répond en tous points aux caractéristiques d’un appariteur robot qui assiste l’étudiant dans la préparation de son expérience. De plus, les systèmes portables comme Orphy utilisent un système de reconnaissance automatique des capteurs, une sorte de «plug and play» qui reconnaît chaque capteur que l’étudiant vient de placer et ajuste automatiquement l’échelle de mesure correspondante. Ce système conçu par Guy Lefèbvre du groupe Évariste a permis de réaliser un progrès important en ExAO puisqu’il permet, en plus d’éviter les erreurs d’identification des variables expérimentales, d’ajuster automatiquement leurs échelles de mesures, que ce soit sur les vumètres sur les graphiques ou dans le tableur.

L’ExAO est en pleine expansion, principalement en France et en Europe et de façon moindre aux États Unis et, bien que nous en soyons les pionniers avec Louis Laurencelle dès 1972, force nous est de constater que nous avons beaucoup de retard au Québec en ce qui à trait à son implantation à l’école. Toutefois, si nous regardons ce qui se passe en France ( ExAO dans tous les lycées, épreuve obligatoire au baccalauréat, implantation actuelle dans les collèges...), l’introduction de l’ordinateur dans les laboratoires de science est considérée comme un acquis et une réussite. Ce succès est du à une volonté politique des ministères de l’éducation et de la recherche Français, notamment la sous direction des technologies de l’information et des communications, ainsi que des groupes de R&D et de formateurs de l’INRP, du groupe ÉVARISTE et des initiatives réalisées dans chaque académie. Il est du aussi à la nature même de l’ExAO qui est un outil de laboratoire aussi important pour les sciences expérimentales que le traitement de texte pour le travail de secrétariat. Son utilisation comme un appariteur robot qui facilite la planification et la réalisation des expériences de laboratoire semble justifier à lui seul son succès. Les recherches sur les bénéfices didactiques liés son utilisation comme outil cognitif d’aide à l’acquisition d’une structure de pensée scientifique sont peu nombreuses (Girouard, M. et al 1999).

Malheureusement l’utilisation de l’ExAO n’a pas vraiment modifié l’approche magistrale et déductive des professeurs qui dans de trop nombreux cas se contentent de l’utiliser pour démontrer une loi physique, ou mieux de la faire démontrer par l’étudiant qui, au lieu de procéder par une investigation du phénomène à l’étude se contente d’utiliser un protocole expérimental rigide conçu par le professeur pour vérifier une loi énoncée à priori par le professeur. On court-circuite ainsi l’approche inductive si importante pour développer la pensée scientifique. Cette constatation semblerait toutefois moins vraie en sciences de la vie et de la terre où l’ExAO serait utilisée comme outil favorisant une véritable approche expérimentale en laboratoire. Cela est sans doute du à sa nature très expérimentale, où l’on ne peut comme en physique presque tout expliquer théoriquement. En effet, la description d’un phénomène en biologie implique souvent la démarche qui l’a engendrée, alors qu’en physique, le phénomène peut souvent se décrire par une simple équation mathématique. Les enseignants de biologie sembleraient profiter mieux que les enseignants des autres domaines des outils didactiques et technologiques propres à l’ExAO puisque ceux-ci engagent leurs étudiants dans une véritable démarche d’investigation scientifique.

 

[page 3] III Conclusion : Les solutions prospectives et Bibliographie