I - LA FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE EN ARCHIVISTIQUE (suite)

CHAPITRE 1 - ÉTAT DE LA QUESTION



1. HISTORIQUE ET TENDANCES ACTUELLES


Dans ce premier chapitre, on fera d'abord un survol historique de la formation professionnelle initiale en archivistique depuis l'apparition des premieres écoles jusqu'à nos jours. Rappelons que ce survol est dressé à partir de la littérature des dix dernières années et qu'il n'a rien de definitif. Puis, nous nous attarderons aux principales tendances qui ressortent de cette littérature récente afin de cerner les consensus et divergences d’opinion, les conséquences sur la profession du nouvel environnement archivistique et les perspectives d’avenir de la profession.


1.1 Survol historique: de l’apparition des premières écoles d’archivistique à l’approche de l’an 2000

Notre revue de la documentation révèle que l'histoire de la formation professionnelle initiale en archivistique se découpe en trois volets: une longue période pendant laquelle l'archivistique fait cavalier seul, une brève phase où la recherche d'alliances devient le leitmotiv et, enfin, la décennie actuelle où on révise ces positions tout en oscillant entre elles.


1.1.1 De l'érudition historique à la gestion de l'information (1821 - 1974)

Selon Frank B. Evans, les premières écoles d'archivistique auraient fait leur apparition en Europe à compter de 1821. Les unes proposent une formation résolument axée sur l'érudition historique (ex.: Ecole des chartes) alors que les autres sont davantage liées à l'administration des archives de l'Etat (ex.: écoles d'archivistique, de paléographie et de diplomatique régionales italiennes) (Evans, 1988). Mais dans l'ensemble, l'histoire domine largement les programmes d'études et c'est ce modèle de formation qui se répand pendant plus d'un siècle dans les pays sous influence européenne et en Amérique du Nord. (Lajeunesse, 1986; Eastwood, 1988)

Au cours des années 1930, on assiste à plusieurs changements économiques, techniques et scientifiques qui modifient l'environnement archivistique: expansion de l'activité gouvernementale résultant en une production massive de documents, accélération des développements technologiques, développement de la théorie archivistique et expansion des activités des services d'archives (Evans, 1988; Delmas, 1988a). Les fondements de l'archivistique traditionnelle se sont élargis et l'on pratique désormais une archivistique multifonctionnelle (Menne-Haritz, 1992). Conséquemment, la formation de base d'un archiviste demande alors à être revisée en fonction de ces nouvelles réalités.

Dès lors, on s'interroge sur l'importance - voire la pertinence - du savoir historique dans une formation archivistique. Engagée dans les années 1940, cette remise en question du rôle de l'histoire ne cesse de susciter l'intérêt; Taylor, en 1975, développe son concept de l'approche contextuelle requérant de l'archiviste un savoir historique spécifique et, en 1993, un groupe d'études composé de Ham, Boles, Hunter et O'Toole se questionne sur le rôle des connaissances historiques dans la formation archivistique (Nesmith, 1992; Ham 1993). Quoiqu'il en soit, au cours de cette cinquantaine d'années, la portion histoire des programmes d'études se rétrécit aux dépens des aspects administratifs et technologiques (Ham, 1993).

Au fur et à mesure que s'estompe l'archiviste-historien, l'archiviste-professionnel-de-l'information prend forme. Progressivement, à compter de 1940, la formation des archivistes change de cadre délaissant les départements d'histoire pour s'inscrire dans les écoles de bibliothéconomie et des sciences de l'information (Lajeunesse, 1986). Quelque trente ans plus tard, ce courant prédomine dans la plupart des institutions d'enseignement bien que l'arrimage entre les trois formations (archivistique, bibliothéconomie et sciences de l'information) pose plusieurs problèmes.


1.1.2 Le mouvement pour l'harmonisation des formations (1974 - 1989)

L'UNESCO entreprend alors son mouvement pour l'harmonisation des trois formations. A partir d'une première proposition énoncée en 1974, l'UNESCO, appuyée par les trois organismes internationaux concernés (Conseil international des Archives, Fédération internationale d'information et de documentation, Fédération internationale des associations de bibliothécaires et des bibliothèques) multiplie les études et rencontres visant à établir les principes directeurs du concept d'harmonisation et à définir des stratégies pour favoriser son implantation (Cook, 1986; Bowdon, 1987; Tees, 1988). Le mouvement atteint son apogée en 1987 au Colloque de Londres organisé conjointement par quatre organismes (Unesco, IFLA, FID et CIA) et consacré à la question.

A cette date, certaines notions théoriques font consensus. La conception intégrée de l'archivistique pronée par l'UNESCO est généralement admise de même que le principe d'inscrire l'archivistique dans le domaine des disciplines de l'information (Lajeunesse, 1986; Couture, 1988). L'ensemble de ces disciplines font face en effet aux mêmes problèmes: augmentation du volume de matériel à traiter, diversification des clientèles, adaptation aux mêmes nouvelles technologies et effectifs restreints de chaque profession (UNESCO, 1984; Blouin, 1986; Warner, 1986). L'harmonisation des formations permettrait donc d'éviter la duplication des ressources et des infrastructures (Saunders, 1987).

Bien qu'ardent défenseur de l'harmonisation, Michael Cook ne reconnaît pas moins les limites de ce mouvement; le respect de la spécificité des professions, l'inévitable résistance au changement et l'adaptation nécessaire aux conditions historiques et sociales nationales constituent autant d'entraves à l'application aveugle du concept d'harmonisation (Cook, 1986; Saunders, 1987; Courrier, 1988).

Assez curieusement, alors que la notion même d'harmonisation est encore imprécise pour plusieurs, les organismes et individus impliqués dans le mouvement dressent déjà la liste des matières susceptibles de constituer un tronc commun pour la formation des trois disciplines. Aux trois matières initialement retenues par l'UNESCO, soit la gestion, la technologie et les études d'utilisateurs, on va ajouter, dans les années suivantes, une bonne douzaine de sujets supplémentaires dont, notamment, la conservation/préservation, l'analyse documentaire, les méthodes de recherche et l'exploitation de l'information (Lajeunesse, 1986; Warner, 1986; UNESCO, 1987; Vallejo, 1987; Courrier, 1988). Au terme de cet exercice, soit à la fin des années 1980, on atteint un certain consensus sur les matières et le contenu de celles-ci à inscrire au tronc commun des trois formations. On reconnaît cependant que l'importance relative des matières et le niveau de profondeur de leur étude doivent varier conformément à la spécificité de chaque discipline (Tees, 1987; Saunders, 1987).


1.1.3 Les limites de l’harmonisation et la transformation de l’environnement archivistique (1990-2000)

Malgré toute l'énergie déployée autour du concept de l'hamonisation et malgré la création de deux écoles "harmonisées", l'une au Sénégal, l'autre au Ghana, il faut reconnaître que ce concept a été fort peu appliqué et que le bilan des organismes initiateurs compte bien davantage de publications que d'actions concrètes (Cook, 1991; Tees, 1991).

Au 12e Congrès international des archives à Montréal, Menne-Haritz constate que le mouvement pour l'harmonisation des trois formations s'atténue au profit d'une recherche de l'identité professionnelle spécifique à l'archiviste (1992). Ce n'est qu'une fois définie la base théorique de la discipline que la formation académique pourra s'intégrer judicieusement aux autres disciplines de l'information (Schaeffer, 1994). En parallèle de cette démarche d'individualisation, d'autres auteurs proposent une approche convergente des disciplines de l'information; la formation reposerait ainsi sur une base théorique commune à toutes dont la pierre d'assise serait le concept globalisant de l'information tel que développé, entre autres, par Paul Otlet (Deschatelets, 1995; Pemberton, 1995; Piggott, 1995).

En marge de ce mouvement international sur la question de la formation archivistique qui caractérise les années 1975-1990, on assiste pendant cette même période, et pendant les années suivantes, à une transformation radicale de l'environnement archivistique: explosion documentaire, multiplicité des supports, élargissement de la clientèle, innovations technologiques, transformation des modes de communication (Craig, 1993; Peterson, 1996). Encore une fois, les institutions de formation en archivistique doivent s'ajuster aux nouvelles réalités. Nous verrons maintenant les principales tendances qui caractérisent l’actuelle période de transition.


1.2 Tendances actuelles

Toute période de transition, quelque soit le domaine concerné, comporte ses consensus et ses divergences d'opinions; néanmoins, tous les intervenants s'accordent généralement sur les question à débattre. Tel est le cas actuellement de la formation archivistique. Les sujets les plus chauds concernent l'importance même d'une formation, le corpus à l'étude ainsi que le mode, le cadre et les niveaux de formation à développer. Le nouvel environnement technologique plus complexe oblige également le milieu à s'interroger sur la pertinence de spécialisations par types d'activités, de fonds ou de supports . Enfin, malgré des progrès reconnus, plusieurs auteurs identifient individuellement des problèmes persistants pour lesquels chacun y va de sa proposition.


1.2.1 Consensus et divergences

L'importance d'une formation professionnelle. Si l'ensemble des intervenants en archivistique tendent vers un consensus quant à l'importance d'une formation professionnelle adéquate, les avis sont partagés quant au moment où elle doit intervenir: doit-elle être initiale à l’embauche ou transmise en cours d’emploi (Kecskemeti, 1986; Joyce, 1988). L'intérêt de la communauté archivistique sur le sujet s'est manifesté, on ne peut plus clairement, par la publication, au cours des 10 dernières années, des quelque 325 articles cités en bibliographie.

Le corpus à l'étude. Bien que le concept d'une archivistique intégrée pronée par l'UNESCO ait été repris par plusieurs institutions de formation, le corpus implicitement délimité par cette vision globale de l'archivistique n'est pas pour autant pris en compte partout (Lajeunesse, 1986; Delmas, 1988c). Ainsi, Thurston déplore que, dans la plupart des régions d'Afrique, la gestion des documents est mal intégrée au programme d'éducation archivistique alors qu'à l'Ecole des Chartes, on mettait à l'essai, au début des années 1990, un programme à deux profils, l'un spécialisé dans la gestion des documents anciens, l'autre, dans la gestion des documents modernes (Thurston, 1996; Carrucci, 1992).

Encore plus curieusement, l'Australie, qui proposait jusqu'à maintenant quatre programmes universitaires reposant sur le concept du "continuum management", est à développer actuellement un certificat strictement axé sur le "public sector record management" (Anderson, 1995; Piggott, 1995; Morgan, 1996). Ce dernier pays suit en cela l'exemple des États-Unis où il est de tradition, depuis les années cinquante, que la gestion des archives historiques et le "records management" fassent l'objet de deux programmes d'études bien distincts souvent inscrits dans des facultés ou départements universitaires différents.

Ce dilemme entourant la séparation entre ces deux formations est loin d'être résolu. D'une part, on note, aux États-Unis, l'émergence d'un mouvement pour l'intégration du "records management" au domaine des sciences de l'information (William, 1987; Pemberton, 1991; SAA, 1993). Aux antipodes, dans tous les sens du mot, l'américain Gérald Ham recommande, dans son rapport aux autorités néo-zélandaises, le développement de programmes indépendants et de niveaux différents pour les formations en archivistique et en "records management" (1993). Les réactions au rapport Ham sont vives; les uns - en majorité des "records managers" - se déclarent satisfaits alors que les autres voient une contradiction inacceptable entre la ségrégation des formations et la théorie du cycle de vie (Oliff, 1994; Symondson, 1994; Lilburn, 1994).

Le mode de formation. Vieux de plusieurs décennies, le débat sur le mode de formation à privilégier reste d'actualité sans qu'on propose réellement des avenues de solutions. La dichotomie formation initiale versus formation continue persiste et les champs d'intervention respectifs restent toujours à préciser (Rene-Bazin, 1990; Ericson, 1996). Faut-il miser sur une formation de base spécialisée en archivistique (académique, technique et gestion) ou s'en tenir à une bonne formation générale complétée de connaissances et compétences archivistiques acquises par voie de formation continue ou encore de formation en milieu de travail? (Cobb, 1995)

Le cadre de formation, quant à lui, ne suscite nul débat et les quelques auteurs qui s'y intéressent se limitent à dresser la nomenclature des cadres existants, nomenclature qui diffère peu de l'un à l'autre. Sont ainsi identifiés comme cadres de formation en archivistique les universités, les écoles associées à l'administration publique, les institutions nationales d’archives, les associations professionnelles, les organisations internationales (UNESCO, CIA...) et, plus rarement, les milieux de travail (Evans,1988; Carruci, 1992; Alegbeleye, 1994; Scadden, 1994).

Les niveaux de formation. La question des niveaux de formation fait consensus en ce sens que tous les auteurs admettent la pertinence d'établir une formation à niveaux multiples et reconnaissent un "noyau dur" archivistique à moduler en termes de durée, de profondeur et de mode pédagogique selon le niveau visé (René-Bazin, 1990; Carrucci, 1992; Lilburn, 1994). Les niveaux proposés (technicien, para-professionnel, professionnel, cadre) varient d'un auteur à l'autre et se différencient par la relation entre la formation théorique et la formation technique, par l'étendue de la formation générale et par l'importance des sciences auxiliaires (Davis, 1989; Franz, 1990). Bien qu'on élabore peu sur leur spécificité, le niveau professionnel (ou scientifique) et le niveau technique sont reconnus par tous et l'on s'entend pour inscrire le niveau professionnel dans le cadre universitaire (Delmas, 1988c). Quant au(x) cycle(s) à privilégier, chaque pays a ses pratiques. La littérature récente tend toutefois à promouvoir le niveau maîtrise pour les futurs professionnels, seul moyen pour certains d'asseoir la reconnaissance professionnelle, et le certificat pour les futurs techniciens et para-professionnels (Ham, 1993; Delaney, 1994; Symondson, 1994).


1.2.2 Un nouveau phénomène: l'émergence de spécialisations

Le nouvel environnement informationnel de la fin du vingtième siècle résulte en une diversification des tâches de l'archiviste. Tout en privilégiant une approche intégrée des archives, il devient parfois nécessaire d'ajouter des compétences spécialisées à une formation de base générale. Selon Guyotjeannin, il existe quatre genres de spécialisation dans la profession archivistique: par type d'activités, par type de documents (lire par tranche chronologique), par type de fonds et par support de documents (1992). Ce processus de spécialisation, que le même auteur qualifie d'incontournable, se réflète pour l'instant très peu dans les programmes d'études et ne fait l'objet que d'une douzaine d'articles pour la période 1986-1997.

Deux spécialisations par type d'activités font leur entrée dans la littérature archivistique. L'inscription des études d'usagers dans le programme harmonisé de l'UNESCO a suscité un intérêt jusque là négligé pour les fonctions particulières de l'archiviste de référence; la référence en archivistique devrait donc faire l'objet d'un cours spécialisé qui emprunterait à d'autres disciplines tel la bibliothéconomie, la communication et la méthodologie en recherches historiques (Graham, 1987; Ruth, 1988). De même, la formation des archivistes, qui se retrouveront en position dirigeante, devra puiser à plusieurs sources (histoire, administration, etc.) pour les rendre aptes à assumer leurs fonctions (Santschi, 1992).

Les deux grandes catégories de fonds, soit les archives d'état et les archives d'entreprises, exigent des archivistes des compétences spécifiques qui s’ajoutent à une formation de base commune. Les archivistes d'état ont nommément besoin d'habiletés en gestion des archives courantes et intermédiaires et en administration, de connaissances plus étendues en matière de documents gouvernementaux et d'une solide expertise technique (Schulz, 1988). Le profil de l'archiviste d'entreprise comporte une maîtrise des nouvelles technologies et une pratique du traitement des nouveaux supports (Rastas, 1988). Dans un cas comme dans l'autre, les auteurs n'anticipent pas que la formation initiale puisse un jour proposer de telles spécialisations dans le cadre d'un programme régulier. C’est plutôt par le biais de la formation continue qu'on vise à assurer aux futurs archivistes spécialistes une formation spécifique adéquate.

Il en va tout autrement des deux spécialisations relatives à des supports particuliers. D'emploi généralisé depuis 1945, le document audio-visuel a dû attendre une quarantaine d'années avant que la communauté archivistique ne s'avise d'identifier les besoins et ressources nécessaires pour la formation des archivistes qui en ont la responsabilité (Klaue, 1988). A une table ronde sur le sujet, organisée par l'UNESCO à Berlin ouest en 1987, on constate l'absence de formation adéquate partout dans le monde et l'on forme un groupe de travail qui livre trois ans plus tard une proposition de curriculum (Harrison, 1988; UNESCO, 1990). Ce dernier couvre tous les medias et aborde les aspects théorique, pratique et technique. La formation continue aurait toujours la charge des spécialités plus pointues tel les productions cinématographiques, les émissions télévisuelles et les documents sonores (Harrison, 1990).

La formation initiale en gestion des documents audio-visuels est donc considérée par l'UNESCO comme une spécialisation associée à une formation de base en archivistique. Conséquemment, cette spécialisation devrait se développer à même les écoles d'archivistique existantes (Harrison, 1995). Or, dans la pratique, le travail du spécialiste en audio-visuel est aux confins des professions d'archiviste, de bibliothécaire et de documentaliste (Rainer, 1988; Jager, 1995). Cet imbroglio explique en partie la résistance manifestée par les écoles d'archivistique à développer cette spécialisation (Harrison, 1995; Burgy, 1996). La spécialisation en documents audio-visuels demeure donc pour l'heure de l'ordre du concept.

D'emploi généralisé beaucoup plus récent, le document électronique obtient très rapidement une reconnaissance de sa spécificité et des problèmes qui en résultent. Au delà du seul document électronique, les archivistes doivent également prendre en considération toute la question des nouvelles technologies et de l'automatisation de la gestion des archives. À cet égard, les avis sont partagés: d'aucuns envisagent de développer des spécialisations dans le domaine à l'intérieur des programmes existants alors que d'autres considèrent que les compétences technologiques doivent s'acquérir à même la formation initiale en archivistique (Carucci, 1992; Hedstrom, 1993; Stielow, 1993). Mais, dans un cas comme dans l'autre, l'identification des connaissances à acquérir est loin de faire l'unanimité (Piggott, 1995). Nous reviendrons d’ailleurs sur ce sujet à la section 4.2.


1.2.3 Progrès, problèmes et perspectives d'avenir

Après plusieurs décennies d'efforts, la formation archivistique semble d'ores et déjà assurée de sa place au sein du giron universitaire, et ce,dans plusieurs pays. L'ensemble des éducateurs dans le domaine se dirige vers un consensus quant à la définition d'un savoir archivistique de base. Sur le plan quantitatif, les progrès semblent également encourageants. Ainsi aux États-Unis, entre 1978 et 1991, on note une augmentation sensible du nombre de programmes offerts (de 30 à 36) et un accroissement considérable du nombre de cours (de 100 à 228). Cependant, ces ajouts au curriculum sont le plus souvent des cours "périphériques" et non des cours en archivistique proprement dite (Ericson, 1993).

Ce constat illustre les limites actuelles de la formation en archivistique. Malgré les progrès soulignés précédemment, la profession d'archiviste manque encore de standards pour parfaire sa définition d'un savoir archivistique indispensable et pour développer les moyens optimums de transmettre ce dernier (Eastwood, 1988). Dans un environnement en constante transformation, les programmes d'études deviennent rapidement obsolètes face à la diversification des tâches et au développement des nouvelles technologies ("The education and... ", 1993). À titre d'exemple, aussi peu que 17% des programmes universitaires américains offre un cours en nouvelles technologies alors que les offres d'emploi du pays mentionnent souvent cette qualification (Ericson, 1993). A ce manque de relation entre le marché du travail et le monde universitaire, s'ajoute l'absence quasi-généralisée de mécanismes de contrôle professionnel tel l'agréement des programmes ou la certification individuelle. En conséquence, la formation archivistique est, pour ainsi dire, livrée à elle-même sans quelque autorité légale ou de fait sur laquelle asseoir sa crédibilité (Cox, 1989b).

Contrairement à d'autres disciplines, l'archivistique ne peut tabler sur une identité professionnelle forte pour attirer des candidats et peu d'efforts sont consentis en matière de marketing auprès de la population étudiante (Cox, 1989b). Aussi, les effectifs sont généralement peu nombreux. L'éventail des cours nécessite l'engagement de plusieurs spécialistes et les coûts d'équipement en technologie sont importants. Ces facteur réunis font généralement en sorte qu'un programme en archivistique rencontre rarement les normes universitaires (Cook, 1991). A ceci s'ajoute d'une part, la faible autonomie de la discipline archivistique qui est presque toujours incluse dans une faculté ou département plus vaste et, d'autre part, le très petit nombre de professeurs à temps plein (Joyce, 1988). Une des conséquences directes de ce dernier élément est le peu de recherches dans le domaine, ce qui constitue un frein au développement disciplinaire (Cox, 1989b).

Outre ces limites d'ordre administratif, la formation archivistique présente des faiblesses sur le plan pédagogique que ne manquent pas de souligner certains auteurs. Un premier remet en cause la pertinence des cours magistraux "à outrance" et des examens ("The education and ...", 1993). On déplore le manque d'évaluation des stages (Cox, 1988). On s'interroge sur les objectifs, les méthodologies et l'encadrement généralement privilégiés pour la réalisation d'un mémoire et on critique le bien-fondé même de cet exercice académique (Eastwood, 1988; Klumpenhouwer, 1995).

Tous les auteurs préoccupés par la situation proposent néanmoins des solutions. Le renforcement des programmes existants, notamment au niveau de la maîtrise, s'impose. On doit tendre vers des curriculum plus consistants et plus cohérents mettant ainsi un terme à ce que O'Toole qualifie de "mentalité d'ateliers" de la profession (Cox, 1989b; O'Toole, 1990; Lilburn, 1994). La consultation des employeurs lors de l'élaboration de programmes devrait se répandre puisque cette pratique est garante de l'adéquation de la formation aux besoins du marché du travail (Joyce, 1988). En mettant l'emphase sur le contenu archivistique et l'engagement de professeurs à temps plein, la formation archivistique devrait s'améliorer (Ericson, 1993).

Bien que notre corpus porte exclusivement sur la formation initiale, il n'est pas rare que certains articles fassent état de l'importance de la formation continue et en souhaitent l'élargissement (Cox, 1989b). A ce chapitre, le rôle traditionnel des associations professionnelles est, à l’occasion, remis en cause ("The education and ...", 1993).

Enfin, une toute nouvelle préoccupation suscite l'intérêt des pays réunis sous la bannière de la Communauté économique européenne. D'une part la gestion même des archives de la Communauté obligera à une normalisation des méthodologies et pratiques; d'autre part, l'objectif de mobilité de la main d'oeuvre, visé par la CEE, ne pourra se réaliser qu'après une harmonisation des formations existantes (Hofmann, 1992).




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Dernière mise à jour : 11 janvier 2000