I - LA FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE EN ARCHIVISTIQUE (suite)

CHAPITRE 1 - ÉTAT DE LA QUESTION



2. LES ÉLÉMENTS D'ORGANISATION


Dans ce second chapitre, on se penchera plus particulièrement sur le principaux éléments d'organisation qu'implique l'instauration d'une formation professionnelle initiale en archivistique soit: l'institution de rattachement, les ressources humaines (personnel enseignant et non-enseignant), les ressources matérielles (matériel didactique, laboratoires, ressources financières) et les ressources du milieu (milieu académique, association professionnelle d'archivistes, institutions nationales, etc.).

De façon générale, peu d’auteurs - soit environ une douzaine - se sont penchés sur l’une ou l’autre de ces questions. Les écrits s’en tiennent le plus souvent à un constat des pratiques sans se préoccuper de leur impact sur la formation professionnelle (Walters, 1991).


2.1 L'institution de rattachement

Comme nous l'avons signalé dans notre rappel historique, la question de l'institution de rattachement - département d'histoire versus département de bibliothéconomie/sciences de l'information - a fait coulé beaucoup d'encre depuis le début du vingtième siècle. Dans les années 1980, on en vient à un "consensus apathique" lequel consiste à accepter indifféremment toutes les fomules possibles (Kecskemeti, 1986).

Cependant, dans la pratique, les tenants de l'intégration aux sciences de l'information représentent un courant nettement dominant (Lajeunesse, 1986; ACA, 1989-1990; Alegbeleye, 1994; Thomassen 1996). Si une école de bibliothéconomie constitue un contexte administratif valable pour une formation en archivistique, il n'en demeure pas moins que la vigilance reste de mise et que la définition des programmes d'études devrait se faire en collaboration avec les associations professionnelles d'archivistes (Orlovlich, 1994). Quoique en régression, la tendance pro-histoire connaît un léger regain aux États-Unis sous l'impusion des spécialistes en histoire publique qui souhaiteraient bien ajouter une spécialisation archivistique à leur curriculum (Walters, 1991). Sous un mode marginal pour l'heure, une nouvelle approche voit le jour. Dans quelques institutions situées en France et en Italie, l'archivistique est inscrite dans une formation plus large ayant pour domaine d'études le patrimoine culturel (Delmas, 1988b; Duranti, 1993). Enfin, on note l'apparition de programmes d'études en archivistique inscrits dans des départements d'informatique (Piggott, 1995).


2.2 Les ressources humaines

Le sujet des ressources humaines, que l'on doit affecter aux programmes universitaires de formation professionnelle en archivistique, est longuement abordé par Couture lors du premier colloque international sur la formation des archivistes tenu à Paris en 1988. Celui-ci établit clairement les trois catégories de ressources humaines nécessaires, soit le personnel enseignant, le personnel d'assistance pédagogique et le personnel administratif (1988a). Les autres auteurs à aborder le sujet se limitent à la question du corps professoral si ce n'est une mention furtive au rôle du responsable de stage dans le programme de la Society of American Archivists (SAA, 1988).

A l'instar des autres formations de type professionnel, le personnel enseignant en archivistique regroupe des individus de statuts différents (professeur régulier, vacataire ou chargé de cours, professeur invité) et de provenances variées (praticiens de l’archivistique, théoriciens de l’archivistique, professeurs issus de disciplines connexes) (Cook, 1982; Douglas, 1987; ACA, 1989-1990b). En ce qui concerne l'enseignement du "noyau dur" de l'archivistique, on privilégie l'engagement de professeurs issus du milieu de la pratique archivistique qui, préférablement, ont quelque formation ou expérience pédagogique (Cook, 1982; SAA, 1994b).

Au chapitre des problèmes relevés en regard du corps professoral, on soulève l'instabilité des ressources, le manque de formation pédagogique de la plupart des enseignants et, surtout, le très faible nombre de professeurs réguliers (Couture, 1986b; Davis, 1989). Pour quiconque s'est intéressé à la question, l'augmentation du nombre de professeurs réguliers constitue une priorité et même "l'unique solution" pour parfaire le système d'éducation en archivistique (Conway, 1988; Ericson, 1993). Cette bonification du corps professoral serait un pré-requis pour la reconnaissance du savoir archivistique et l'atteinte d'une respectabilité académique (Conway, 1988; O'Toole, 1997). À cette dernière assertion, Ericson applique un bémol en rappelant qu'en 1991, seuls 36% des professeurs réguliers en archivistique aux Etats-Unis étaient membres de l'association professionnelle nationale (1993). Ainsi, l’engagement d’un plus grand nombre de professeurs réguliers ne garantit pas nécessairement un apport de forces vives au sein de la communauté professionnelle.


2.3 Les ressources matérielles

Le sujet des ressources matérielles révèle plusieurs préoccupations. Au premier rang, on retrouve la question des ressources documentaires mise de l'avant par la section pour l’enseignement de l’archivistique et la formation de l’archivistique du Conseil international des Archives (CIA/SAE) qui lui consacrait une étude au début des années 1990. Les résultats de celle-ci ainsi que des articles sur certaines situations nationales sont publiés dans un numéro spécial de la revue Janus (1991.2)

Le diagnostic de la CIA/SAE est le suivant: aucun manuel ne couvre l'entièreté du savoir archivistique; les différents champs du savoir sont très inégalement traités; la plupart des manuels se révèle d'usage national (Rastas, 1991). Les constats nationaux diffèrent peu de ce portrait international. Aussi bien en France qu'aux États-Unis, on déplore l'inexistence de manuels complets qui pourraient servir de lectures de base (Delmas, 1991; Blaun, 1991). Du côté de l'Espagne, l'explosion de manuels survenue au début des années 1980 n'a pas réussi à combler tous les besoins (Vicente, 1991). Enfin, seuls les pays slaves se disent satisfaits des manuels à leur disposition (Zontar, 1991).

Simultanément, quelques auteurs s'interrogent sur la validité des publications de l'Unesco, notamment des études RAMP. Cox y va d'un premier diagnostic: la série de publications est très valable en ce qu'elle aborde tous les principes et pratiques archivistiques en adoptant un point de vue international (1990c). Trois ans plus tard, Couture et Lajeunesse en arrivent sensiblement à la même conclusion en y apportant des nuances. La vocation universelle même des publications amène obligatoirement une insatisfaction pour certaines fractions de la clientèle: pour les uns, le traitement des sujets est trop avancé, pour d'autres, pas assez (Couture et Lajeunesse, 1993; idem, 1994).

De cet exercice d'inventaires des ressources documentaires, il ressort clairement qu'il y a un manque de matériel didactique sur le plan international (Carucci, 1992). Aussi, la CIA/SAE a-t-elle inscrit à son plan de travail à moyen terme le développement de matériel didactique, la réalisation d'une bibliographie de ce matériel, la publication d'un guide sur les études de cas et la création d'un centre international qui, entre autres, aurait pour fonction de distribuer du matériel didactique (Thomassen,1996).

Au deuxième rang des préoccupations sur les ressources matérielles vient l'accès à un laboratoire d'informatique à la fine pointe des technologies de l'information; compte tenu de l'évolution rapide en ce domaine, les auteurs ne s'aventurent pas davantage sur le sujet (Cook, 1982; ACA, 1989-1990a; SAA, 1994b). La nécessité d'un laboratoire de restauration - conservation n'est mentionnée que dans les années 1980 comme si ce dernier tombait dans l'oubli à la décennie suivante (Cook, 1982; Couture, 1988a; SAA, 1988). Enfin, le concept d'un laboratoire d'archivistique est proposé par un seul auteur alors que l'Association of Canadian Archivist (ACA) prend soin de noter, sans préciser le lieu de leur conservation, que tout programme devra mettre à disposition de la clientèle les documents produits par les institutions et services d'archives (littérature grise, plan de classification...) (Couture, 1988a; ACA, 1989-1990b).

Quant aux ressources financières, elles sont rarement prises en compte. C'est tout juste si elles sont mentionnées occasionnellement (Cook, 1982; Couture, 1988a).


2.4 Les ressources du milieu

Rares sont les auteurs qui abordent le sujet des ressources du milieu sur le plan théorique. Les compte-rendus d'expériences impliquant la collaboration de ressources extérieures constituent l'essentiel de la littérature traitant de ce sujet.

Sur le plan de l'environnement immédiat, les responsables de programmes d'études en archivistique doivent pouvoir compter sur deux ressources privilégiées. En premier lieu, le milieu académique et les associations professionnelles doivent travailler en étroite collaboration pour assurer ce lien vital entre université et milieu de travail. Idéalement, cette collaboration devrait se concrétiser par l'implication des associations professionnelles dans la création et l'évaluation des programmes universitaires. En second lieu, le milieu académique doit tisser des liens étroits avec les institutions nationales et les services d'archives des organismes publics et privés; ces derniers constituent des milieux de stage appropriés et, possiblement, des débouchés pour les finissants tout en étant une source d’enseignants compétents (Couture, 1988a).

Sur le plan de la coopération internationale, la professeure Huiling entrevoit la nécessité d'établir des relations d'échange et de coopération sur une base stable et de longue durée qui prendraient plusieurs formes: programmes d'échanges pour les enseignants, les praticiens et les étudiants, échanges d'information par réseau électronique (1996). Thomassen retient d'ailleurs ce dernier élément en le qualifiant d'indispensable pour échanger les résultats des trop rares recherches réalisées en archivistique (1996).




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Dernière mise à jour : 11 janvier 2000