Deuxième des quatre textes oniriques (*) de
Leiris
dans la Révolution surréaliste
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Michel Leiris,
la Révolution surréaliste,
no 4,
section « Rêves »,
15 juillet 1925
1o — Je suis mort. Je vois le ciel
poudroyer comme le cône d'air traversé, dans une salle
de spectacle, par les rayons d'un projecteur. Plusieurs globes
lumineux, d'une blancheur laiteuse, sont alignés au fond du
ciel. De chacun d'eux part une longue tige métallique et
l'une d'elle perce ma poitrine de part en part, sans que
j'éprouve aucune douleur. J'avance vers les globes de
lumière en glissant doucement le long de la tige et je tiens
par le main d'autres hommes qui montent comme moi vers le ciel,
suivant chacun le rail qui les perfore. On n'entend pas d'autre
bruit que le crissement de l'acier dans nos poitrines.
2o — Je perçois si nettement le
rapport entre le déplacement rectiligne d'un corps et une
palissade perpendiculaire à la direction de ce mouvement,
que je pousse un cri aigu.
3o — J'imagine la rotation de la terre
dans l'espace, non d'une façon abstraite et
schématique, l'axe des pôles et l'équateur
rendus tangibles, mais dans sa réalité.
Rugosité de la terre.
4o — André Masson et moi
évoluons dans l'air comme des gymnasiarques (a). Une voix nous crie :
« Acrobates mondiaux, allez-vous bientôt descendre
tous les deux ? » À ces mots, nous nous
renversons par-dessus l'horizon et tombons dans un
hémisphère concave.
Notes
(*) Ce texte se compose lui-même de quatre
visions explicitement numérotées (comme les parties
du texte suivant, on le verra). Aucun de ces quatre segments n'a
une forme narrative, tous décrivant des déplacements
de corps dans l'espace. L'unité des quatre visions est
telle qu'elles peuvent difficilement se lire l'une sans l'autre.
L'ensemble constitue pour nous un « texte
onirique » significatif des rêves de Michel
Leiris.
Variantes
(a) Gymnasiarque est en français un mot
savant (désignant un maître de gymnase, ce qui ne
convient pas ici, sauf pour désigner des
« maîtres »). En revanche, c'est le mot
qui donne son nom (gymnasiarcha) à l'entrée du
Dictionnaire des antiquités grecques et romaines pour
présenter le point saillant de la culture grecque, puis
romaine dans l'art spectaculaire de la gymnastique.
Références
La Révolution surréaliste, no 4, Paris,
Éditions
Jean-Michel Place, réimpression, 1975, p. 7.
Édition originale
La Révolution surréaliste, no 4, Paris,
Gallimard, 15 juillet
1925, p. 7.
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