I - LA FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE EN ARCHIVISTIQUE (suite)

CHAPITRE 2 - RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE

3. LES ÉLÉMENTS PÉDAGOGIQUES

Peu abordés dans la littérature spécialisée en archivistique, les éléments pédagogiques ont fait l'objet de questions spécifiques dans l'enquête. Nous nous sommes intéressés successivement aux conditions d'admission et pré-requis, aux méthodes d'enseignement, aux modalités et systèmes d'évaluation et à l'appellation des diplômes.

3.1 Les conditions d'admission et les pré-requis

Résumé de l'état de la question
D'un point de vue strictement académique, les programmes en archivistique devraient comporter les mêmes conditions d'admission que tout autre programme de même cycle d'études. Toutefois, le cas particulier des candidats possédant une expérience de travail est soulevé mais pour l'heure, aucun mécanisme de modulation des exigences n'est suggéré pour ces candidats.

La question des pré-requis, qu'abordent quelques auteurs, se limite à trois champs de compétences: la connaissance de l'histoire nationale, la maîtrise d'une ou plusieurs langues secondes et des notions de base en informatique et technologies de l'information.

Comme le recommande la littérature, les programmes en archivistique comportent généralement des conditions d'admission comparables à celles de tout autre programme de même cycle. Ainsi, pour les programmes de premier cycle, on exige un diplôme d'études secondaires ou d'études collégiales selon le système d'éducation en vigueur dans le pays. Au deuxième cycle, le diplôme de premier cycle est obligatoire; le plus souvent, la discipline n'en est pas précisée et, dans le cas contraire, on privilégie des formations antérieures en histoire ou en archivistique et/ou gestion des documents. Au troisième cycle, on demande un deuxième cycle; ici aussi, la discipline est rarement définie sauf quelques mentions en histoire ou bibliothéconomie et sciences de l'information

L'expérience de travail des candidats a été abordée dans notre enquête en tant que pré-requis possible (obligatoire ou souhaitable) sans qu'on s'interroge plus avant sur les mécanismes particuliers mis en place pour les candidats provenant du marché du travail.

Tableau 29 Niveau d'expérience requise et nature de l'exigence (n=103 répondants)
Niveau d'expérience et nature de l'exigence Nombre de programmes Pourcentage des programmes
Aucune expérience 69 67%
Expérience obligatoire 28 27%
Expérience souhaitable 6 6%
Total 103 100%

Les deux tiers des programmes ne comportent aucune exigence en matière d'expérience de travail. Un nombre restreint de programmes en font donc un critère d'admission et, dans ce cas, l'expérience devient même le plus souvent obligatoire. Quant à la durée de l'expérience requise, elle varie considérablement, allant de quelques mois à plusieurs années.

Au chapitre des autres pré-requis, les résultats de l'enquête s'établissent ainsi d'une façon globale :

Tableau 30 Ensemble des pré-requis (n=variable)
Nature du pré-requis Nombre de programmes avec pré-requis Nombre de répondants à la question Pourcentage des programmes
Langue(s) seconde(s) 44 105 42%
Informatique et technologies de l'information 38 106 36%
Autre(s) 14 107 13%

Bien que minoritaires, les programmes en archivistique exigeant au-delà du minimum requis par les règles institutionnelles sont suffisamment nombreux pour qu'on s'attarde à cette question. De l'ensemble des pré-requis, les langues secondes, c'est-à-dire la maîtrise d'une ou plusieurs langues autres que la langue d'enseignement, arrivent au premier rang en terme de fréquence.

Tableau 31 Langues secondes requises (n=77 réponses pour 44 répondants)
Langue seconde requise Nombre de programmes Pourcentage des programmes avec ce pré-requis
Latin 24 55%
Anglais 19 43%
Allemand 13 30%
Français 12 27%
Autres 9 20%

On remarque d'abord que les programmes comportant des exigences linguistiques se limitent rarement à la maîtrise d'une seule langue seconde et que le latin constitue la langue la plus demandée. Suivent trois langues vivantes parmi lesquelles n'apparaît pas l'espagnol, pourtant l'une des trois langues internationales. Dans la catégorie autres, on retrouve le russe, l'italien et quatre autres langues à occurrence unique.

Les pré-requis en informatique et technologies de l'information forment la deuxième catégorie en ordre de fréquence. La majorité des répondants exigent, sans plus de précision, des connaissances de base ou encore la maîtrise d'un logiciel de traitement de texte. Dans quelques cas, on mentionne une compétence minimale avec le WEB et Internet. Enfin, quelques programmes prévoient l'inscription à des ateliers intensifs comme préalables au début de la scolarité.

Outre ces principales catégories de pré-requis, un nombre minime de programmes pose des conditions supplémentaires telles des connaissances en histoire, en paléographie ou en statistiques.

Une fois les conditions d'admission et les pré-requis établis, notre enquête a cherché à savoir selon quelles modalités les candidats sont sélectionnés.

Tableau 32 Modalités de sélection (n=103 répondants)
Modalité de sélection Nombre de programmes Pourcentage des programmes
Sur dossier 44 43%
Par concours 34 33%
Par entrevue 32 31%
Autre modalité 39 38%

À la lecture des résultats, on constate qu'aucune modalité spécifique n'est adoptée par la majorité des programmes et qu'un même programme combine parfois plusieurs façons de faire. Parmi les autres modalités, on retiendra essentiellement les examens écrits (histoire, traduction latine), les lettres de recommandation et les résultats des niveaux inférieurs.

En résumé. Les conditions d'admission pour les programmes en archivistique sont celles instituées par l'institution pour tout programme. On remarque toutefois qu'aux cycles supérieurs, la discipline de la formation antérieure est souvent indéterminée. On exige rarement une expérience de travail et seule une minorité de programmes comporte des pré-requis qui sont généralement la maîtrise d'une ou deux langues secondes et des connaissances de base en informatique et technologies de l'information. Les modalités de sélection des candidats varient selon les institutions.

3.2 Les méthodes d'enseignement

Résumé de l'état de la question
La question des cours " réguliers " suscite des réactions contraires chez les auteurs : l'un souligne l'importance de développer de "vrais" cours alors qu'un autre remet en cause la pertinence des cours magistraux " à outrance ". Mais dans l'esprit de bonifier la formule traditionnelle du cours magistral, plusieurs proposent de nouveaux outils pédagogiques (groupes de discussion, cours sur CD-ROM, "campus virtuels", enseignement à distance). Pour la formation en technologies de l'information, on réclame des formules pédagogiques à participation plus active (ateliers, laboratoires... ).

Les données de l'enquête révèlent le portrait d'une formation dont les cours " réguliers " sont développés à l'aide de méthodes pédagogiques multiples.

Tableau 33 Méthodes d'enseignement (n=87 programmes)
Utilisation de la méthode pédagogique Proportion du temps d'enseignement consacré à la méthode
Méthode pédagogique Programmes utilisateurs
nombre %
Cours magistraux 84 97% 50%
Travaux pratiques 74 85% 24%
Visites 63 72% 5%
Travaux dirigés 33 38% 6%
Études de cas 28 32% 4%
Conférences 27 31% 2%
Laboratoires 26 30% 4%
Autres 15 17% 5%

Une première lecture du tableau qui précède fait ressortir qu'une forte majorité des programmes associent trois méthodes, soit les cours magistraux, les travaux pratiques et les visites. Les autres méthodes proposées dans le questionnaire sont beaucoup moins exploitées mais elles comptent tout de même chacune de 30% à 40% de programmes utilisateurs. Une seconde lecture des données, prenant en compte la proportion du temps d'enseignement consacré aux différentes méthodes, précise le portrait d'ensemble. De façon schématique, le temps d'enseignement se compose pour moitié de cours magistraux, pour un quart de travaux pratiques et pour dernier quart d'un amalgame d'activités. Ces dernières sont généralement multiples, varient d'un programme à l'autre et comprennent le plus souvent des visites.

En regard de la littérature, on peut donc affirmer que la formation en archivistique comporte des " vrais " cours et, pour l'ensemble des programmes à l'étude, on ne saurait conclure à des cours magistraux " à outrance ". Toutefois, soulignons que trois programmes comportent exclusivement cette activité et que 13 autres y consacrent de 70 à 80% de leur temps d'enseignement. Les formules pédagogiques plus actives réclamées par les auteurs comptent certes des utilisateurs mais restent marginales en regard du temps consacré (ex. : l'étude de cas utilisée par 32% des programmes mais composant tout juste 4% du temps d'enseignement).

La catégorie " autres " comporte quelques pratiques supplémentaires, telles les séminaires (n=4) et les voyages (n=2) mais la majorité des éléments cités sont à occurrence unique. Quant aux nouveaux outils pédagogiques souhaités, notre enquête n'a pas permis d'en mesurer le degré d'utilisation.

En résumé. La formation en archivistique se caractérise par l'utilisation de méthodes pédagogiques multiples. Une proportion importante du temps d'enseignement est consacrée aux cours magistraux et travaux pratiques alors que la portion restante est utilisée pour des activités variant selon l'institution et le programme.

3.3 Les modalités d'évaluation

Résumé de l'état de la question
Seule une évaluation dûment contrôlée garantit une reconnaissance officielle des compétences spécialisées requises et, d'ajouter certains auteurs, la formule de l'examen offre, en outre, l'avantage de favoriser l'uniformité professionnelle. Quant aux modalités d'évaluation des stages, les opinions sont fort variables.

La nécessité d'une évaluation étant admise, il reste à déterminer quelle sera l'autorité officiellement reconnue pour ce faire : les établissements universitaires, les institutions nationales d'archives ou les associations professionnelles nationales. Selon l'état respectif de développement de ces derniers, chaque pays peut établir le ou les responsables d'un quelconque mécanisme d'attestation professionnelle officielle. Certains auteurs déplorent toutefois l'absence quasi généralisée de mécanismes de contrôle professionnel tel l'agrément des programmes ou la certification individuelle.

Comme il était prévisible, toutes les institutions de formation ont mis en place des modalités internes d'évaluation pour vérifier la progression des étudiants et garantir les compétences de leurs diplômés. Nous verrons d'abord quelles sont ces modalités pour la portion théorique de la formation archivistique.

Tableau 34 Les modalités d'évaluation (n=107 répondants)
Modalité d'évaluation Nombre de programmes Pourcentages des programmes
Examen écrit 87 81%
Examen oral 69 65%
Travaux écrits 60 56%
Exercices pratiques 53 50%
Mémoire, thèse 47 44%
Étude de cas 32 30%
Autres 30 28%

La majorité des programmes combinent plusieurs modalités d'évaluation (en moyenne, 3.5 modalités par programme). La formule conventionnelle de l'examen, écrit et oral, demeure la plus fréquente suivie des travaux écrits et exercices pratiques. Le mémoire et la thèse se limitent aux cycles supérieurs alors que l'étude de cas fait une percée non négligeable. La catégorie " autres " regroupe maints modes d'évaluation utilisés la plupart du temps par un seul programme; font exception les présentations orales (n=6), les examens pratiques (n=5) et les projets spéciaux (n=3).

En ce qui concerne la portion apprentissage de la formation, la nécessité d'une évaluation fait l'unanimité aussi bien dans la littérature que dans la pratique. Ainsi, la presque totalité des programmes avec stage fait état d'une évaluation (44 programmes sur 48). Mais au-delà de ce consensus de base, les modes d'évaluation sont on ne peut plus diversifiés, comme en témoignent les 48 réponses fournies par les 44 programmes.

Tableau 35 Modes d'évaluation des stages (n=44 répondants)
Mode d'évaluation Nombre de programmes Pourcentage des programmes
Rapport de stage 17 39%
Évaluation 11 25%
Examen 3 9%
Autres 17 39%

Le rapport de stage est le mode d'évaluation le plus courant mais il n'est en fait utilisé que par un peu plus du tiers des programmes. Au deuxième rang, on retrouve le terme générique évaluation; celle-ci peut être faite par des personnes variées (coordonnateur, milieu de stage, etc.) et sur des objets divers (travail exécuté, instrument de recherche réalisé, etc.). Les examens sont beaucoup moins fréquents d'utilisation et l'on retrouve, dans la catégorie autres, un éventail de moyens d'évaluation à une ou deux occurrences tels présentation orale, étude de cas, " experiment paper ", etc. Comme il s'agissait d'une question ouverte, la terminologie des réponses est très variable et, parfois, difficile d'interprétation. Aussi, retiendrons-nous qu'il y a diversité dans les modes d'évaluation et que le rapport de stage est le mode le plus fréquent malgré une utilisation restreinte.

Outre les modes d'évaluation pratiqués par les institutions de formation, il existe d'autres mécanismes pour attester des compétences professionnelles des nouveaux diplômés. Le premier, soit le système d'agrément, garantit la qualité des programmes de formation alors que le second, le système de certification, répond des qualifications professionnelles des individus. Les instances responsables de ces deux mécanismes d'évaluation peuvent être de trois types (associations professionnelles, organismes gouvernementaux ou autres instances) et, généralement, celles-ci étendent leur juridiction sur tout le territoire national.

Tableau 36 Système d'agrément des programmes (n=71programmes)
Instances responsables Nombre de programmes Pourcentage des programmes
Agrément par associations professionnelles 24 34%
Agrément par organismes gouvernementaux 17 24%
Agrément par autres instances 13 18%
Aucun système d'agrément 17 24%
Total 71 100%

La majorité des programmes (n=54; 76%) est sous le contrôle d'un mécanisme d'agrément. Trois façons de faire se distinguent ici. Les pays de tradition anglo-saxonne, tels l'Australie, le Canada, les États-Unis, l'Irlande et le Royaume Uni, confient cette responsabilité aux associations nationales professionnelles alors que l'Algérie, l'Argentine, la Bulgarie, la Chine, la France et l'Italie s'en réfèrent à quelque organisme gouvernemental (agence nationale d'accréditation, ministère de l'éducation, ministère des biens culturels). Enfin, d'autres pays semblent confier cette tâche à d'autres instances dont il nous est difficile de connaître la nature et la portée (ex : " Board of studies ", Inde; Conseil des universités, Espagne).

Selon les pays et organismes responsables, les agréments sont reconnus tantôt par programme, tantôt par institution d'enseignement. Ainsi, on peut retrouver au sein d'une même institution des programmes ayant des statuts différents en matière d'agrément (ex : University College London, R. U.).

Le second mécanisme d'évaluation, soit le système de certification, est moins répandu (n=32; 42%) mais présente sensiblement le même partage au niveau des organismes responsables dont la nature dépend des mêmes traditions nationales.

Tableau 37 Système de certification des diplômés (n=75 programmes)
Instances responsables Nombre de programmes Pourcentage des programmes
Certification par associations professionnelles 13 17%
Certification par organismes gouvernementaux 12 16%
Certification par autres instances 7 9%
Aucun système de certification 43 58%
Total 75 100%

En résumé. Toutes les institutions ont recours à plusieurs modalités d'évaluation des étudiants dont les plus fréquentes sont les examens écrits et oraux. Lorsqu'elle existe, la portion stage de la formation fait l'objet d'une évaluation distincte à l'aide de formules variées. À un autre niveau, la majorité des programmes sont soumis à des évaluations externes au moyen d'un système d'agrément régi par des organismes dont la nature dépend des traditions nationales. Plus rarement, un système indépendant du milieu académique a charge de la certification professionnelle des diplômés en archivistique.

3.4 Les diplômes

Résumé de l'état de la question
La question de l'appellation inscrite au diplôme est abordée en mode mineur. Lorsque le terme archivistique ne paraît pas dans le nom de l'école ou département d'appartenance, il devrait, tout au moins, apparaître sur les diplômes émis.

On se rappelle qu'aussi peu que 43% des institutions de rattachement affichaient dans leur appellation le terme archivistique seul ou associé (voir section 2.1). Mais qu'en est-il des diplômes que celles-ci émettent pour leur(s) programme(s) en archivistique?

Tableau 38 Appellation des diplômes (n=92 programmes)
Terme(s) inscrit(s) dans l'appellation du diplôme Nombre Pourcentage
Terme archivistique et/ou gestion de documents seul 37 40%
Terme archivistique et/ou gestion de documents associé 32 35%
Termes archivistique et gestion de documents absents 23 25%
Total 92 100%

Ainsi, 75% des diplômes émis comportent la mention " archivistique ", tantôt seule, tantôt associée à une autre discipline. Dans ce dernier cas, les disciplines à plus forte occurrence sont : la paléographie et diplomatique (n=11), l'histoire (n=8), la documentation et bibliothéconomie (n=6) et la bibliothéconomie et sciences de l'information (n=6). Quant aux diplômes ne comportant pas le terme archivistique, on les retrouve en plus grand nombre dans les départements de bibliothéconomie et sciences de l'information (n=12) que dans les départements d'histoire (n=6). On remarquera ici que les départements d'histoire qui n'incluent jamais le terme archivistique dans leur appellation officielle l'inscrivent néanmoins sur leurs diplômes dans bon nombre de cas. Citons enfin quelques appellations moins courantes telles conservateur du patrimoine, ingénierie documentaire ou encore études universitaires appliquées.

Les données recueillies permettent également de constater qu'il existe une légère différence dans l'appellation du diplôme selon le niveau du programme. Ainsi, les programmes de premier cycle comportent plus souvent la mention archivistique (seule ou associée) que les programmes de deuxième et troisième cycles (respectivement 81% des programmes du niveau, 74% et 67%).

Enfin, quelques programmes ne conduisent pas à l'obtention de diplômes proprement dits tels certains cursus de la Scuola di archivistica, paleografia e diplomatica de Rome ou le stage technique international de la Direction des archives de France.

En résumé. La majorité des diplômes émis comportent la mention " archivistique " tantôt seule, tantôt associée à une autre discipline. Parmi les départements d'accueil dont le nom ne comporte pas le terme archivistique, on remarque que les départements d'histoire inscrivent plus souvent cette mention à leurs diplômes que les départements de bibliothéconomie et sciences de l'information.


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Dernière mise à jour : 11 janvier 2000