I - LA FORMATION PROFESSIONNELLE INITIALE EN ARCHIVISTIQUE (suite)

CHAPITRE 1 - ÉTAT DE LA QUESTION



4. LES ÉLÉMENTS DE CONTENU


Ce quatrième chapitre aborde ce qui constitue l'essentiel de toute formation, soit les éléments de contenu. Aussi n'est-il pas étonnant que notre revue de la littérature sur le sujet ait été si fructueuse. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l'organisation générale du contenu qui, dans les milieux universitaires, se traduit sous la forme de programmes. Dans un deuxième temps, nous nous attarderons aux matières mêmes qu'on considère être le savoir archivistique minimal.


4.1 Les programmes

La création d'un programme d'études implique un processus administratif lourd et, par voie de conséquence, on en espère un produit apte à durer. Aussi, verrons-nous ce qu'exige cette étape cruciale de l'élaboration d'un programme. Puis, on verra quelques-unes des structures de programme proposées par différents auteurs.


4.1.1 Élaboration des programmes

L'élaboration d'un programme de formation exige la participation de plusieurs intervenants. Pour que celle-ci soit harmonieuse, tous doivent s'entendre sur la prise en compte d'un certain nombre de facteurs déterminants, sur l'équilibre à respecter entre les approches et avenues possibles et, enfin, sur la séquence des étapes de réalisation.

Préalablement à cette démarche, il faut d'abord qu'il y ait consensus du milieu sur l'identification des intervenants. Ainsi, à l'issue d'une rencontre sur la formation en archivistique (Ottawa, mars 1989), les participants mandataient le Bureau canadien des archives (BCA) pour développer une stratégie générale en matière de formation visant à préciser les rôles respectifs des institutions d'éducation, des associations professionnelles et des institutions nationales d’archives (Naugler, 1989). Dans le cas qui nous préoccupe actuellement, soit l'élaboration d'un programme, la plupart des auteurs s'accordent pour reconnaître une responsabilité partagée entre les maisons d'enseignement et les associations professionnelles (Conway, 1988; McCausland, 1991; Fogarty, 1994).

A ce noyau principal pourraient se joindre d'autres personnes ressources issues du personnel des Archives nationales, des autres professions de l'information ou encore des disciplines contributives (administration, droit, histoire, informatique, muséologie... ) (Thurston, 1990b; Scadden, 1994). Toutefois, les milieux académique et institutionnel ne sauraient concevoir des programmes adéquats sans impliquer dans leurs démarches des représentants du monde du travail (employeurs actuels et potentiels, praticiens de la profession, anciens diplômés des institutions d'enseignement... ) (Joyce, 1988; Wilson, 1989; Cox, 1993).

Les facteurs à considérer dans l'élaboration d'un programme se regroupent schématiquement sous deux bannières, soit d'une part, les compétences professionnelles attendues par le marché du travail et, d'autre part, les connaissances à acquérir pour développer ces compétences (Schaeffer, 1994).

Les attentes du marché du travail peuvent être dépistées à l'aide d'études quantitatives ou qualitatives relatives aux pratiques et prévisions d'embauche, aux descriptions de tâches, aux besoins des utilisateurs et aux nouvelles structures du marché du travail (Couture, 1991; Doumbia, 1994; Deschatelets, 1995). En parallèle, on doit définir le savoir de base distinctif qui habilitera le nouveau diplômé à répondre à ces attentes (Nesmith, 1992; Schaeffer, 1994). Au-delà du savoir, les programmes d'études doivent jouer un rôle - pour reprendre l’expression de Klumpenhouwer - "d'initiation quasi-religieuse" à la culture archivistique et développer un "archival frame of mind" qui permette au candidat non seulement de devenir un archiviste professionnel mais surtout qui lui donne les moyens de continuer à l’être (Nesmith, 1992; Klumpenhouwer, 1995; Cox, 1997).

En matière de programmes d'études en archivistique, la notion d'équilibre intervient à deux niveaux. Le premier niveau se réfère à la répartition entre enseignement théorique et apprentissage pratique; à cet égard, on note un consensus sur l'importance égale à accorder à ces deux aspects de la formation (ACA, 1989a, Verhelst, 1992). Le second niveau concerne plus directement le contenu des cours et offre trois options: une première approche sectorielle axée sur les archives administratives, une seconde approche de même type axée sur les archives historiques et une troisième approche dite intégrée réunissant l'une et l'autre (Couture, 1988b). Nous verrons plus loin que le choix d'une option est étroitement lié aux pratiques archivistiques et aux traditions académiques de chacun des pays.

La séquence des étapes de réalisation pour l'élaboration d'un programme d'études doit débuter par la définition du corpus archivistique suivi de la séparation entre les connaissances à transmettre dans une formation initiale et les composantes de la formation continue (Duranti, 1993). Une fois ces deux étapes préliminaires franchies, les responsables auront plusieurs décisions à prendre avant que ne prenne forme le programme. Taylor nous en fournit une longue liste non-hiérarchisée: choix de l’institution d’accueil, définition du contenu des cours et de leur séquence, établissement des pré-requis, détermination de la durée du programme et du nombre d'étudiants, fixation des modes d’évaluation des cours et des stages (1983).


4.1.2 Structures des programmes

La détermination de la structure d'un programme de formation constitue l'un des permiers exercices auquel doit se livrer tout comité de création ou de révision de programmes. Les résultats sont le plus souvent un compromis entre un modèle théorique basé sur un savoir universel et une proposition dictée par les contextes national et institutionnel. Pour l'heure, nous nous intéresserons aux théoriciens de la question, les uns élaborant un modèle de structure, les autres commentant les structures existantes.

On retrouve au tableau 1 le schéma des structures proposées par cinq auteurs entre 1982 et 1994. Outre une catégorisation et une terminologie fluctuantes, on remarque que les modules purement archivistiques gagnent en importance avec les années. Par ailleurs, les modules de stage et d'activités de recherche, à quelques exceptions près, sont maintenus tout au long de ces exercices théoriques. Les résultats de notre enquête nous permettront de vérifier ce qu'il en est de la pratique. Mais déjà, à tout le moins en Amérique du Nord, on déplore que les nouveaux cours offerts sont essentiellement de type périphérique et que les cours dits communs sont le plus souvent enseignés sans référence spécifique à l'archivistique (Ericson, 1993).

Tableau 1 Propositions de structures de programme
COOK COUTURE DELMAS O’TOOLE SAA
(1982) (1988b) (1988c) (1990) (1994)
         
         
Cours généraux Archivistique Archivistique Introduction à Savoir archivistique
    fondamentale l’archivistique  
Matières obligatoires        
Gestion documents Archivistique et Diplomatique et Théorie et pratique Savoir contextuel
Gestion archives administration archivistique descriptive    
      Fonctions archivistiques Savoir complémentaire
Sc. interprétatives Archivistique et Politiques,organisation,    
Histoire administrative recherche gestion et conservation Institutions et dépôts  
         
Cours communs     Gestion  
avec autres domaines        
de l’information     Supports non-textuels  
         
Cours communs        
avec autres secteurs        
         
Exercices pratiques Stage   Stage Stage
         
Étude particulière     Thèse Thèse
         
Matières à option        

4.2 Les matières

Pas moins d'une quarantaine d'archivistes professionnels ont proposé, en l'espace d'une dizaine d'années, leur vision d'une formation archivistique adéquate - voire idéale. Les uns ont dressé la liste exhaustive des matières à aborder alors que les autres se sont concentrés sur des matières sujettes à controverse.


4.2.1 Nomenclature des cours

Pour les besoins de la cause, nous résumerons, autant que faire se peut, la centaine de cours proposés sous des vocables communs et nous les réunirons sous quatre grandes catégories: les cours d'archivistique "pure", les cours d'histoire "sur mesure", les cours communs aux sciences de l'information et les cours empruntés aux disciplines contributives. On retrouvera au tableau 2 cette liste de cours. Il s'agit là, bien sûr, d'un tableau sommaire auquel n'adhèrent sûrement pas tous les auteurs cités mais, compte tenu des redites d'un article à l'autre, nous croyons qu’il rend compte de ce qui a été développé pendant la décennie sur le sujet.

Tableau 2 Propositions de matières
ARCHIVISTIQUE PURE HISTOIRE SUR MESURE * SCIENCES DE L’INFORMATION SCIENCES CONTRIBUTIVES
       
Archivistique fondamentale Histoire des archives Fondements des sc. de l’information Organisation et gestion d’un service
       
Gestion des archives Histoire de la gestion des docu. et des a. Accès, repérage et diffusion de l’info. Analyse de besoins *
       
Gestion des documents Histoire de la profession d’archiviste Référence et études d’usagers Comptabilité *
       
Fonctions archivistiques Histoire des institutions archivistiques Préservation et conservation * Automatisation de la gestion *
       
Diplomatique et archivistique descriptive Histoire de l’administration Analyse et design de systèmes d’info. * Sociologie de l’administration
       
Politiques et gestion de progr. arch. Histoire du contexte social Bases de données * Langues vivantes
       
Législation et questions juridiques Histoire intellectuelle Utilisation des nouvelles technologies *  
       
Supports spéciaux Sc. et tech. de l’interprétation historique Gestion des documents électroniques *  
       
Documentation orale Géographie historique    
       
Initiation à la recherche archivistique Méthodes de recherche historique    


* Les matières sujettes à controverse (voir point I.4.2.2)

LISTE DES AUTEURS CONSULTÉS POUR CONSTITUER CE TABLEAU:
Cook, 1982; Cook, 1986; Graham,1987; Taylor, 1988; Couture, 1988b; Delmas, 1988c; Cox, 1989b; ACA, 1989-1990b; Cox, 1990a; Cox, 1990b; O’Toole, 1990; Volkner-Wagner, 1992; Walters, 1993; Ham, 1993; Alegbeleye, 1994; BCA, 1994; Pemberton, 1995; Eastwood, 1996.

Alors que l'étude des structures de programmes suggère une prépondérance de plus en plus marquée du volet archivistique, la liste des matières proposées fait clairement ressortir que d'autres disciplines, soit l'histoire, les sciences de l'information et les sciences de la gestion, occupent une place importante dans le curriculum archivistique. Mais, au lieu de percevoir ce phénomène comme un envahissement indésirable, on tend de plus en plus à reconnaître l'apport indispensable de ces disciplines pour une formation initiale complète des futurs archivistes; il suffit toutefois que leur enseignement soit orientée en fonction des besoins spécifiques de la discipline archivistique (Eastwood, 1996). Enfin, dans un récent numéro de Janus, on consacre quatre articles à l'aspect promotion de la profession que l'on souhaite intégrer à l'enseignement des fonctions archivistiques (Cox, 1997; Gracy II, 1997).

4.2.2 Les matières sujettes à controverse

Parmi l'ensemble des matières proposées, certaines ont fait l'objet de controverse ou - à tout le moins - ont suscité des prises de position publiques consignées dans la littérature archivistique (voir tableau 2 ; ces matières sont identifiées par un astérisque). Assez curieusement, aucune de celles-ci ne relève du module archivistique "pure". C'est donc autour de l'histoire, de la conservation-préservation, de la gestion des services d'archives et des technologies de l'information que se manifestent les échanges d'idées.

L'enseignement d'une histoire "sur mesure" pour les archivistes ne constitue pas un nouveau sujet d'intérêt. Nous en résumons ici l'historique. Jusqu’en 1970, l’enseignement de l’histoire comptait pour une large part dans la formation des archivistes mais généralement le contenu des cours était conçu pour un historien et non pour un archiviste. Vers 1970, Hugh Taylor, un archiviste canadien, reprend à son compte certaines idées émises par Jenkinson au début du siècle. Il reconsidère la place du savoir historique dans la formation des archivistes et propose une nouvelle approche de l'étude de l'histoire (Nesmith, 1992). Cette nouvelle approche, dite contextuelle, opère un glissement du sujet, dont traite le document, vers l'individu ou l'organisme qui a créé ce document. L'histoire des créateurs (activités, historique...) et l'histoire des documents (typologie, supports, systèmes de gestion... ) sont dès lors identifiées comme les bases distinctives de l'éducation historique des archivistes. Développée dès les années 1975, cette vision d'une histoire "sur mesure" prend néanmoins un certain temps à se propager.

Quelque vingt ans plus tard, le rôle du contenu et des compétences historiques dans la formation en archivistique fait toujours l'objet de questionnements. Un groupe de travail américain constate que la portion histoire rétrécit constamment dans les programmes d'études en archivistique mais conclut que tout archiviste doit néanmoins posséder certaines bases en histoire (Ham, 1993). Partageant la vision de Taylor, on en vient à un certain consensus quant aux objets dont les cours devront retracer l'histoire: archives, documents, gestion des documents, institutions publiques, administrations publiques, technologies de l'information et profession d'archiviste. (Jorgensen, 1986; Cox, 1990b; Craig, 1992; Ham, 1993). Cox y va même d'une suggestion originale, soit un cours retraçant l'histoire de la "relation" de l'information (dans le sens vieilli du terme) depuis la tradition orale jusqu'au développement des nouvelles technologies, le tout dans une perspective internationale (1990b).

Outre ces sujets historiques spécifiques à l'archivistique, on maintient l'importance de connaissances de base en histoire nationale, d'une bonne compréhension de l'historiographie et d'une familiarité minimale avec les méthodes de recherche historique (Ham, 1993).

La fonction conservation-préservation que se partagent plusieurs disciplines (archivistes, bibliothécaires, muséologues... ) fait également l'objet d'une littérature spécifique depuis quelques décennies. Malgré les efforts du Conseil international des Archives et de l'UNESCO pour la promotion des techniques de conservation, la formation générale ou spécialisée dans le domaine a peu progressé au plan mondial (Kathpalia, 1988; Clements, 1989). Les quelques projets-pilotes de courte durée et les rares programmes d'études spécialisés en gestion de la conservation ne peuvent répondre aux besoins actuels et futurs (Davis, 1990; Kaplan, 1990).

Pour combler cette lacune internationalement reconnue, deux approches complémentaires - quoique parfois mises en opposition - sont proposées: l'une, généraliste, favorise l'intégration du volet conservation-préservation dans tout programme en archivistique; l'autre, élitiste, vise plutôt une formation spécialisée dans ce seul champ (Conway, 1989). A ce jour, la première approche est largement appuyée dans le milieu strictement archivistique, ce volet étant intégré dans le programme harmonisé prôné par l'UNESCO à titre de matière commune à toutes les sciences de l’information (Vallejo, 1987; Buchanan, 1988). Une enquête récente auprès des employeurs d'archivistes aux États-Unis démontre nettement que des compétences dans le domaine feront sous peu partie des exigences minimales d'embauche (Gabehart, 1992).

Le contenu de cette formation minimale à acquérir pour un futur archiviste varie bien sûr d'un auteur à l'autre. Il est cependant certaines constantes tels les fondements de la philosophie de la préservation, la connaissance des matériaux (caractéristiques physiques et chimiques; procédés de fabrication... ) et la maîtrise des techniques de conservation (conditions environnementales, manutention.. ) (Kaplan, 1990; Forde, 1993). Enfin dès 1987, Vallejo signale que cette formation minimale devra porter une attention particulière aux nouveaux media, dont bien sûr les documents électroniques (1987). Cet aspect des nouvelles technologies de l'information est d'ailleurs pris en compte par les auteurs traitant de cette matière, comme nous le verrons un peu plus loin.

La gestion des services d'archives est une autre matière à laquelle se sont intéressés plus particulièrement les formateurs en archivistique. Reconnaissant son caractère universel, qui nécessite toutefois des adaptations nationales - voire régionales -, l'UNESCO l'inscrit au contenu de son programme harmonisé (UNESCO, 1984; Savard, 1988). La SAA emboîte le pas et lui donne une place - quoique mineure - dans son programme d'études (Davis, 1988). On se penche alors sur les composantes de ce volet et, ici aussi, un certain consensus s'établit autour de sujets incontournables tel que l'organisation et la gestion d'un service, les méthodes et techniques courantes de gestion, les politiques d'information et l'approche marketing (UNESCO, 1984; Kecskemeti, 1986; Savard, 1988; Walch, 1993a). Mise de l'avant dans les années 1980, la préoccupation d'une formation en gestion disparaît totalement, à deux exceptions près, de la littérature à la décennie suivante. Une explication de ce phénomène serait que cet aspect de la formation en archivistique est d'ores et déjà bien intégré aux programmes d'études ce que, le cas échéant, notre enquête pourra démontrer.

Les technologies de l'information. Cette matière à controverse a généré depuis une trentaine d’années une littérature très abondante. Pour notre part, nous avons traité de façon plus détaillée cet aspect de la formation des archivistes lors du congrès 1998 de l’AAQ. Les actes de ce dernier congrès seront publiés en 1999 et nous livrons ici l’essentiel de la conférence présentée dans ce cadre.

La préoccupation d'assurer une formation adéquate en technologies de l'information n'est certes pas récente. Dès le début des années 1970, des organismes tels la SAA et le CIA multiplient séminaires et ateliers sur le sujet (Fishbein, 1985; Brown, 1993; Walch, 1993a). Dans les années 1980, l'enseignement des technologies devient la pierre angulaire du mouvement pour l'harmonisation (Cook, 1988) et on retrouve cette matière inscrite dans les programmes mis de l'avant par l'Unesco, la SAA et l'ACA (Cook, 1982; Cox, 1993). Au tournant des années 1990, l'importance d'une formation en technologies fait l'unanimité des milieux archivistiques, formateurs et employeurs, et l'on démarre aux Etats-Unis le projet CART chargé de définir le contenu d'un curriculum couvrant à la fois l'automatisation de la gestion des archives et la gestion des dossiers électroniques (Cook, 1991; Gabehart, 1992; Walch, 1993a; Cox, 1994).

Mais, en parallèle de ces élaborations théoriques, la pratique présente un visage tout autre. Ainsi en 1990, sur les 275 cours offerts dans les programmes archivistiques des universités nord- américaines, on compte aussi peu que six cours traitant de technologies (Cox, 1993). On remarque aussi un décalage entre le volet automatisation et le volet documents électroniques, le contenu du premier faisant consensus et le second prenant du retard faute justement de consensus (Walch, 1993a). Ainsi, tout en étant au premier rang des préoccupations de la profession, la formation en technologies de l'information a essentiellement été prise en charge par les associations professionnelles et ne fait une entrée significative dans la formation initiale de niveau universitaire qu'avec la présente décennie (Weber, 1988).

Mis à part la question du contenu des cours, sur laquelle nous reviendrons, plusieurs problèmes particuliers ajoutent à la difficulté de développer un curriculum satisfaisant: rapidité de l'évolution technologique, manque de standardisation, questionnement sur l'applicabilité de la théorie archivistique aux documents électroniques (Hedstrom, 1993). Sur le plan des ressources humaines, le contingent actuel de formateurs manque de compétence en la matière; il faut alors choisir entre le recyclage de celui-ci ou l'intégration de ressources extérieures à la discipline archivistique (Cook, 1987; Weber, 1993; Cox, 1994). Sur le plan des ressources documentaires, on note un retard de la littérature sur les technologies en émergence, le manque de matériel didactique et l'absence d'une banque d'études de cas (Gilliland, 1993; Kesner, 1993). Enfin, les équipements matériels nécessaires sont onéreux et menacés de désuétude précoce (Cook, 1988; Brown, 1993).

Malgré ces obstacles, plusieurs archivistes ont tenté d'élaborer des curriculum en automatisation de la gestion des archives et en gestion des documents électroniques. Quelques principes généraux ressortent de leurs écrits. La formation devra être modulée d'une part selon le niveau de la formation visée (technicien, professionel, cadre) et, d'autre part, selon le degré de développement technologique de l'infrastructure de l'information du pays (Cook, 1988; Horsman, 1993). L'objectif premier devra être de donner les qualifications en matière de technologies dont le futur diplômé aura besoin pour remplir ses fonctions d'archiviste; la technologie est donc ici un moyen et non une fin, restant ainsi subordonnée à l'archivistique (Weber, 1993). Aussi, l'enseignement des technologies doit demeurer sous le contrôle des responsables du programme archivistique. Il doit être incorporé dans ce programme et, dans la mesure du possible, intégré aux cours d'archivistique "pure" (Horsman, 1993; Walch, 1993a).

Une fois ces principes admis par la majorité des intervenants, chacun y va de sa proposition personnelle quant à l'élaboration du curriculum modèle. L'identification des connaissances en technologies de l'information qui formeraient un savoir de base essentiel à tout archiviste professionnel varie sensiblement d'un auteur à l'autre et - on le devine - s'élargit à la même cadence que le développement de ces technologies. (voir tableau 3)

Tableau 3 Propositions de curriculum en technologies de l'information

Cook (1986)

Hedstrom (1991, 1993)

Walch (1993a)

Initiation à la technologie de l’information Archives et technologie de l’information Connaissances de base
  • Aperçu global - théorie et pratique
  • Problèmes légaux
  • Politique d'information
  • Impact des technologies
  • Relation avec les sciences de l'information
  • Services aux usagers
  • Perspectives archivistiques
    • Politique d'information
    • Impact sur la théorie archivistique
    • Relations avec les autres disciplines
    • Contexte historique des technologies
    Reprographie Concepts de base et terminologie Concepts de base en syst. d’info. automatisés
    • Reprographie administrative
    • Micrographie
    • Reproduction d'édition
  • Composantes des sytèmes d'information
  • Organisation logique des données
  • Organisation physique des données
  • Concepts et designs des systèmes
  • Apercu des applications des technonologies
    • Structure des données
    • Composantes des systèmes
    • Documents manuels vs doc. électroniques
    • Analyse et design de systèmes
    • Applications de l'automatisation
    Informatique Documents électroniques Documents électroniques
    • Traitement de texte
    • Informatique générale
    • Base de données
    • Archivage des documents informatiques
    • Impact de l'automatisation sur la pratique
    • Valeurs primaire et secondaire
    • Description requise pour les syst. automatisés
    • Identification des besoins des utilisateurs
    • Préservation médias magnétiques et optiques
    • Standards et migration en technologies de l’information
    • Évaluation de la pratique
    • Valeurs des documents élect
    • Description
    • Métadonnées
    • Services de référence
    • Préservation
    • Stratégies d'implantation
    Télécommunications Techniques automatisées Applications automatisées
    • Systèmes de télécommunications
    • Les télécommunications et les services d'information
  • Aperçu des applications
  • Méthodes d'analyse des procédures
  • Etude des besoins
  • Acquisition. et dévelopement de logiciels
  • Implantation de systèmes
  • Standardisation
  • Conception de systèmes
  • Applications courantes
  • Définition des objectifs
  • Revue des technologies
  • Procédures de sélection
  • Procédures d'implantation
  • * Le module de gestion inscrit dans la proposition de Walch a été omis de ce tableau du fait que les éléments qui le composent se réfèrent à la gestion d’un service d’archives en général et non spécifiquement à la gestion automatisée des archives ou encore à la gestion des archives électroniques.

    Timidement inscrites au programme harmonisé de l'Unesco (1982), cette organisation mandate Michael Cook pour l'élaboration d'un programme spécifique en technologies de l'information à l'intention des bibliothécaires, documentalistes et archivistes (Cook, 1986c). Avec le recul, certains aspects du contenu de ce programme étonnent: brièveté de l'introduction consacrée à la technologie de l'information, incohérence du bloc informatique et inscription d'un volet reprographie. Dès l'année suivante, Cook bonifie sa proposition en insistant sur une formation de base plus complète concernant la théorie de la communication et de l'information ainsi que les applications des systèmes et réseaux de télécommunication (1987 et 1988). D'autres auteurs signalent certains éléments à ajouter au contenu tel les standards de description (MARC-AMC...) ou la diplomatique appliquée aux documents électroniques (Webec,1988; Skemer, 1989; De Witt, 1991)

    En 1991, Hedstrom dépose la première version d'un curriculum en gestion des documents électroniques et techniques d'automatisation auprès du CART (1993). Conçu exclusivement pour les archivistes, ce dernier se concentre sur les seuls besoins de ces praticiens et s'articulent en quatre modules (voir tableau 3). Par rapport à la proposition de Cook, on note une base théorique élargie, une démonstration plus claire des liens entre archivistique et technologies de l'information, un contenu mieux ciblé et plus développé du volet technologies et la disparition du module reprographie. Après deux années de consultation, le CART adopte finalement un curriculum s'inspirant largement de la première version (Walch, 1993a). Les deux premiers modules ont été refondus en un seul sous l’appellation connaissances de base; le module documents électroniques s'est élargi pour comporter de nouveaux éléments (ex.: méta-données) et le module techniques automatisées a été scindé en deux unités (application de l'automatisation et gestion).

    Cet exercice complété en 1993, la littérature archivistique, de langue française et anglaise, devient pratiquement muette sur la question de la formation aux technologies de l'information. Tout juste une voix s'élève-t-elle pour recommander qu'une formation de base en technologies soit d'ores et déjà exigée à titre de pré-requis pour les futurs candidats (Horsman, 1993). Dans sa thèse de doctorat, Cox, compare, à titre indicatif, les sujets inscrits aux deux curriculum de l'Université de Pittsburg (sciences de l'information et bibliothéconomie) aux sujets proposés par la CART. Moins de 50% de ces derniers font l'objet d'un cours (1994). Ces données datent quelque peu; aussi, les informations recuillies par notre enquête apporteront-elles probablement un éclairage plus encourageant quant au contenu des formations en technologies destinées aux futurs archivistes.


    4.3 Les stages

    Dans la perspective d'assurer une formation complète, l'ensemble des intervenants - nous l'avons vu précédemment (voir section 4.1.1) - préconise un juste équilibre entre théorie et pratique. Pour la majorité de ceux-ci, la formule du stage constitue l'activité de formation pratique possédant la plus grande valeur formatrice (Couture, 1988a; ACA, 1989b; Verhelst, 1992; Rousseau, 1997). Une fois l'importance - voire la nécessité - du stage admise, peu d'auteurs s'aventurent plus avant sur le sujet et force nous est de constater que les opinions sur les modalités et sur les modes d'inscription du stage au curriculum sont fort variables.

    Le stage dans une formation universitaire peut être défini comme une expérience supervisée d'apprentissage de la profession dans un milieu d'intervention organisé ou en voie de l'être (Couture, 1988b; Arès, 1989). Il constitue généralement le premier contact de l'étudiant-archiviste avec son futur milieu professionnel, faisant office en quelque sorte de "rite d'initiation à la communauté archivistique" (Klumpenhouwer, 1995). Les objectifs du stage sont l'amélioration des connaissances (savoir), des habiletés (savoir-faire) et des opinions (savoir-être); ceux-ci sont atteints dans la mesure où les trois intervenants en cause, soit le coordonnateur de stage, le responsable du milieu-hôte et l'étudiant-stagiaire, s'acquittent adéquatement de leur rôle respectif. Outre son efficacité pédagogique, le stage présente l'avantage de maintenir un contact étroit entre les institutions universitaires et le milieu professionnel; conséquemment, le milieu académique peut suivre de près les transformations du marché du travail et vice-versa. Cependant, pour s'assurer de la rentabilité des stages à tous ces niveaux, on devra développer une méthode d'évaluation pour juger individuellement de la pertinence de ceux-ci (Cox, 1989b).

    Tout récemment, deux auteurs renouvelaient la réflexion sur le rôle et la contribution du stage dans la formation archivistique. Forte des expériences vécues à l'Université de Toronto, Craig attribue aux milieux hôtes non-traditionnels, c'est-à-dire non organisés sur le plan archivistique, la qualité d'offrir un terrain propice où le futur diplômé peut développer des talents de promoteur de la discipline (1997). Se basant sur une enquête réalisée auprès des archivistes québécois, Rousseau confirme l'importance primordiale du stage et recommande quelques améliorations tel l'accroissement du nombre et de la durée des stages ainsi que de la diversité des milieux hôtes et des tâches professionnelles exercées (1997).


    4.4 Les activités de recherche

    La question de l'inscription d'activités de recherche dans un programme d'études en archivistique suscite un débat dans la seule littérature nord-américaine. Aussi faudra-t-il attendre les résultats de l'enquête pour mesurer la popularité de cette activité pédagogique dans les autres pays.

    Les institutions universitaires canadiennes et américaines dans l'ensemble reconnaissent que l'objectif premier d'une formation professionnelle est d'éduquer les étudiants à "apprendre"; ce dernier terme est compris par le milieu archivistique dans le sens de "learn about archives" (Nesmith, 1992). Pour atteindre cet objectif, d'aucuns estiment que les programmes d'études doivent comporter une orientation sur la recherche qui se concrétise traditionnellement par la réalisation d'un mémoire ou d'une thèse; c'est du moins la position des associations professionnelles nationales nord-américaines (ACA, 1989a; SAA, 1994a).

    Cependant, dans la pratique, on fait état de quelques difficultés. Les étudiants arrivent difficilement à définir les objectif de leur projet et à choisir la méthodologie appropriée. Plusieurs d'entre eux ont pour directeur de thèse des professeurs issus d'un autre département et dont les compétences en archivistique sont parfois insuffisantes (Eastwood, 1988). A cet égard, l'expérience de l'University of British Columbia est inquiétante: en 1988, seulement 22 des 36 étudiants ayant complété le reste du programme académique avaient réussi à terminer leur thèse (Nesmith, 1992). Un ex-étudiant de la même école déplore que les sujets de thèse n'ont généralement rien à voir avec la pratique qui attend le diplômé et suggère que la formule traditionnelle de la thèse soit remplacée par des exercices pratiques et des projets (Klumpenhouwer, 1995). Tout en insistant sur la pertinence de la recherche, deux autres auteurs proposent des améliorations soit l'instauration de partenariat avec des institutions du milieu et le développement de la recherche appliquée (Craig 1992, Ericson, 1996) ".




    | page précédente |
    | TABLE DES MATIÈRES |
    | page suivante |

    | Présentation du projet | Description détaillée | Résultats de la recherche |
    | Retour au menu du projet de recherche |

      Retour à la page d'accueil de Carol Couture Informations et commentaires :
    carol.couture@umontreal.ca

    Dernière mise à jour : 11 janvier 2000